« Je n’ai pas vu venir les signes avant coureur. J’étais dans le déni car il fallait à tout prix tenir. Le directeur est le pilier : c’est celui sur qui tout le monde se repose. Comme si ce n’était pas une personne mais un symbole qui n’a pas le droit d’avoir des faiblesses. On a envie de changer les choses, de développer des possibles et on arrive dans un contexte qui est tout autre. On se retrouve à faire des politiques de rigueur sous le contrôle de l’État. La mission paraît impossible sans budget pour faire ce qu’il faut. Et face à cette situation, certains profils comme le mien sont plus à risque : les "bons élèves".
"Mais qu’est ce qui m’arrive ?!"
J’étais de plus en plus fatiguée. J’avais des douleurs à peu près partout. Je pensais tout le temps au travail. J’étais moins disponible pour ma famille, je culpabilisais. C’est un cercle vicieux. Un jour, j’étais en train de faire une opération de calcul très simple et je n’ai pas réussi. Je n’avais plus de mémoire, plus les capacités cognitives… Je me suis dit : mais qu’est ce qui m’arrive ?! Je me suis arrêtée un jour, en me disant qu’il fallait juste que je me repose. Mais une fois qu’on est arrêtée, la chappe de plombs arrive. Le "un jour" s’est transformé en trois ans, avec un burn-out suivi d’une dépression. Pourtant, je suis une battante !
Pendant six mois, j’ai dormi du matin au soir, sans pouvoir faire aucune activité. Plus de force, comme si j'avais été grillé de l’intérieur. Puis j’ai recommencé à faire des activités : j'ai suivi des ateliers à l'Apec. J'occupe aujourd'hui un poste de cadre de santé dans le domicile. Je gère dix chefs de service. Cela m'a redonné confiance.
Un répit pour les directeurs ?
Mon conseil : ne pas attendre avant de s’arrêter. L’entourage personnel et professionnel a un rôle à jouer. Il y a des facteurs de travail aussi : pourquoi embaucher un directeur Cafdesien habitué à réfléchir en terme de stratégie, à être force de propositions, pour le réduire à un rôle de petite main qui n’a pas son mot à dire ? La gouvernance du monde associatif aussi est fautive. Les finalités sont humanistes mais les organisations internes sont encore traditionnelles, paternalistes, très verticales. Ça manque de réactivité, de souplesse et de confiance. La medecine du travail doit aussi sensibiliser sur le métier de directeur. On se sent vraiment seul ! Je commence à réfléchir à un répit pour les directeurs, en fournissant sur une courte période un appui, un soutien, sur une mission ou un projet. »
Propos recueillis par Laura Taillandier