Serait-il possible d’éviter les « grosses camionnettes blanches » avec logos pour conduire les enfants protégés ? Et pourrait-on retirer cette « immense pancarte » juste à l’entrée de leur établissement ? La demande a été formulée par des jeunes accueillis par l’aide sociale à l’enfance (ASE) à Gautier Arnaud-Melchiorre, missionné par le secrétaire d’État Adrien Taquet pour donner la « parole aux enfants » confiés.
Être des enfants comme les autres
« Les mineurs protégés souhaitent bénéficier d’un plus grand anonymat », conclut cet étudiant, lui-même ancien de l’ASE, dans son rapport intitulé « À (h)auteur d’enfants », remis le 20 novembre. Après avoir écouté « plus d’un millier d’entre eux », à travers 16 départements, Gautier Arnaud-Melchiorre peut même rendre compte, plus largement, de leur besoin de se sentir « comme les autres ».
Parmi leurs doléances, certaines interpelleront les directions des établissements. Les enfants souhaitent ainsi que « leur parole soit mieux prise en compte » ; il est « recommandé l’instauration [dans chaque structure] d’un conseil de maison hebdomadaire ». En outre ces mineurs sont épris de justice ; ils demandent notamment « d’inscrire dans chaque projet d’établissement la prohibition des punitions collectives ».
Les jeunes hébergés aspirent aussi à de la sécurité, et il est proposé de rendre systématique l’embauche de maîtres de maison, et de remplacer les surveillants de nuit non formés par « la réintroduction de professionnels éducatifs du quotidien ». Plusieurs témoignages sont rassemblés sur les « violences institutionnelles » et sur les prostitutions subies par certains de ces mineurs dits protégés.
Une charte des droits
L’aménagement de l’habitat s’avère également précieux pour eux, et Gautier Arnaud-Melchiorre cite en exemple les hébergements où « l’enfant est invité à choisir la couleur du mur de sa chambre », et où un « lieu intime » est préservé. L’idéal, selon les jeunes consultés, serait que le lieu d’accueil « ressemble à une maison familiale classique avec les chambres à l’étage et les espaces communs au rez-de-chaussée ».
Au passage, la mission aura permis de constater des « réalités d’accueil diversifiées » à travers ce que l’auteur propose d’appeler des maisons, plutôt que des foyers ou maisons d’enfants à caractère social (Mecs). Si de nombreux établissements visités dégageaient « une impression d’abandon et de tristesse, parce que vétustes et délabrés », d’autres s’avéraient « plus adaptés, modernisés, inspirant du bien-être ».
De cette libre parole donnée aux enfants confiés, il a été tiré une Charte des droits des enfants protégés. « J’ai le droit d’être un enfant ou un adolescent comme un autre, […] d’être écouté, […] que l’on prenne soin de moi », y est-il notamment proclamé. Le texte sera-t-il bientôt affiché dans les établissements ? Début décembre, la publication du rapport et de-là charte était imminente, selon le ministère des Solidarités.
Olivier Bonnin
Publié dans le magazine Direction[s] N° 204 - janvier 2022