Faciliter la transformation de l'offre sociale et médico-sociale par un allégement et une simplification des normes : tel est le fil rouge du droit de dérogation à certaines règles applicables en matière d'appels à projets (AAP), réforme de nature expérimentale encadrée par un décret paru fin 2017 et dont la mise en œuvre vient d'être commentée par instruction. Focus à l'attention des quatre régions expérimentatrices : Auvergne-Rhône-Alpes ; Hauts-de-France ; Île-de-France ; Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Dérogations spécifiques
L'expérimentation permet aux directeurs généraux des agences régionales de santé (DGARS) des territoires précités de déroger aux normes nationales uniquement dans leurs "décisions d'espèce et (...) individuelles".
Dérogations à coût constant
En dehors du respect des critères fixés par le décret (dont celui du "motif d'intérêt général" qui n'est pas explicité), l'instruction ajoute que les décisions de dérogation ne peuvent "aboutir à accroître le niveau de dépense".
Projets d'autorisation d'extension
En matière d'AAP, le droit de dérogation porte sur deux points. Le premier concerne la définition du seuil de soumission des extensions de capacité à la commission d'information et de sélection.
Les DGARS des quatre régions expérimentatrices ne sont pas dispensés de fixer un seuil. Il leur est permis de le définir différemment qu'il l'est par la réglementation afin de "faciliter les opérations de restructuration et d'adaptation de l'offre existante". En d'autres termes, est-il souligné, le seuil dérogatoire retenu doit permettre :
- de "répondre plus rapidement aux besoins médico-sociaux urgents de la population tels que définis dans les schémas de planification de l'offre" ;
- ou de "favoriser la transformation d’établissements ou services préexistants en structures intégrées proposant une gamme complète de modes d’accueil et d’accompagnement".
Attention :
- il est demandé aux DGARS d'éviter, pour les structures ayant déjà une capacité importante, de retenir un seuil d’extension dépassant 100 % d’augmentation de la capacité (soit plus du doublement de la capacité de l'établissement ou du service) ;
- aucune dérogation n'est possible concernant les projets de transformation avec extension qui seraient exonérés d'appel à projets sous réserve, notamment, de la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) (exonération prévue par l'article L. 313-1-1, III, du code de l'action sociale et des familles).
Délai de réponse à un AAP
L'expérimentation du droit de dérogation en matière d'AAP porte par ailleurs sur le délai de réception des réponses des candidats qui, selon la réglementation, ne peut être inférieur à 60 jours et supérieur à 120 jours à compter de la date de publication de l'avis d'appel à projet.
Sur ce point, la réforme vise essentiellement à "laisser plus de temps aux opérateurs pour constituer leur dossier de candidature". Les DGARS sont toutefois appelés à retenir un délai de 180 jours maximum, "sauf circonstances exceptionnelles".
Dans le détail, le Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales privilégie certains projets susceptibles de bénéficier d'une telle dérogation :
- les projets "de grande ampleur impliquant la recherche de foncier" ;
- ceux "présentant des caractéristiques techniques complexes" pour lesquels la constitution du dossier de candidature "demande du temps".
Contentieux
La décision du directeur général de l’ARS peut faire l’objet d’un recours contentieux auprès du tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
En cas de contentieux en appel, il est demandé à l’ARS de produire les éléments rédigés pour le mémoire en défense signé par la direction de l’administration centrale concernée.
Vraisemblablement pour éviter ces procédures, le Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales préconise l'organisation d'une concertation entre les ARS et les acteurs concernés pour la mise en œuvre de ces expérimentations qui donneront lieu à un suivi régulier et à une évaluation précise.
Source : instruction du 16 février 2018.
Sybilline Chassat-Philippe