L'attention des professionnels du secteur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) doit être attirée sur les "dispositions diverses" contenues dans la loi Sécurité publique publiée le 1er mars 2017. L'article 31, d'application immédiate, les vise directement ou plus exactement s'adresse à ceux qui interviennent dans les services relevant du secteur public.
Expérimentation
La loi autorise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le juge des enfants décidant, au titre de l'assistance éducative, de confier un enfant au service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE) de charger, dans le même temps, un service du secteur public de la PJJ :
- d'apporter aide et conseil au service de l'ASE désigné ainsi qu'à la famille ;
- et de suivre, en milieu ouvert (AEMO), le développement de l'enfant confié à l'ASE.
Facultative (le juge "peut"), cette double mesure ASE-AEMO ne pourra être prononcée que si ces conditions sont réunies :
- le ministère public a présenté au juge des enfants des réquisitions écrites en ce sens ;
- la situation et l'intérêt de l'enfant justifient ce cumul de mesures.
Selon les travaux parlementaires préparatoires au vote de la loi, des instructions devraient être rapidement adressées aux parquets généraux afin de préciser les conditions d'application de cette expérimentation. Laquelle est censée se limiter aux "situations particulièrement complexes, telles que celles des enfants de retour de théâtres d’opérations de guerre". D’après le Gouvernement, environ 400 enfants pourraient rentrer de Syrie dans les prochains mois, dont près de 320 devraient faire l’objet d’un placement à l’ASE en raison de l’incarcération ou de l’absence des parents ou encore d’une situation de danger. Les autres pourraient être remis à des membres de leur famille ou accueillis directement par une institution.
Quid du SAH ?
Seul le secteur public de la PJJ peut participer à cette expérimentation. Autrement dit : le secteur associatif habilité (SAH) en est exclu. Traitement différencié d'autant plus surprenant qu'une note du 10 février 2017 donne divers éléments de cadrage à l'ensemble des professionnels de la PJJ en matière de prise en charge éducative des mineurs radicalisés ou en danger de radicalisation violente.
Dans le cadre des travaux parlementaires, la directrice de la PJJ a justifié ce choix d'exclure le SAH des expérimentations à travers ces trois arguments :
- la promotion d'une politique nationale harmonisée en matière de traitement de la radicalisation serait plus aisée dans le cadre d'une intervention limitée au secteur public ;
- l'objectif de l'expérimentation est de faire bénéficier les services départementaux de l'expertise du secteur public de la PJJ, développée depuis 2015 grâce à la dispense de formations et du réseau des référents laïcité et citoyenneté ;
- sur le plan financier, l'intervention du SAH "risquerait de bouleverser les règles de financement de l'intervention éducative dans un cadre judiciaire". LA DPJJ a indiqué que les mesures éducatives en milieu ouvert prononcées sur un fondement civil "relèvent en théorie du financement du conseil départemental". Par suite, "financer des mesures de milieu ouvert prononcées dans un cadre civil, exécutées par le secteur associatif, sur le budget de l'État, nécessiterait la révision de l'équilibre établi depuis plusieurs années en matière de financement des mesures d'assistance éducative".
Bien que relevant du champ de la protection de l’enfance, les mesures ordonnées dans le cadre de cette expérimentation seront financées par l’État, pour un coût supplémentaire évalué à 272 000 €.
Bilan
Un rapport d’évaluation de l’expérimentation, adressé au Parlement par le Gouvernement dans un délai de six mois avant son terme, permettra de décider sa prolongation ou son arrêt.
Source : loi du 28 février 2017 (n° 2017-258), JO du 1er mars.
Sybilline Chassat-Philippe