En décembre 2000, une assistante sociale exerçant dans un établissement de la fonction publique hospitalière se voit notifier le non-renouvellement de son contrat à durée déterminée pour avoir refusée d’ôter son voile. Elle saisit alors le tribunal administratif afin de faire annuler cette décision, mais est déboutée, ainsi qu’en appel. Elle se tourne alors vers la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et invoque, à l’appui de sa demande, l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Obligation de neutralité
Si la Cour reconnaît, dans son arrêt rendu le 26 novembre dernier, que la décision de ne pas renouveler le CDD de la requérante « doit s’analyser comme une ingérence » à sa liberté de manifester sa religion, elle relève cependant que cette ingérence est encadrée (article 1er de la Constitution, jurisprudence du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel) et surtout précisée, quant à son application pour les agents publics, par un avis du Conseil d’Etat du 3 mai 2000.
La Haute juridiction avait en effet considéré, en réponse aux questions d’un tribunal administratif dans une affaire opposant un membre du service public d’enseignement et son recteur d’académie, que « le principe de laïcité de l’Etat [faisait] obstacle à ce que [les agents publics] disposent, dans l’exercice de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances religieuses ». Et que le port d’un signe destiné à marquer leur appartenance religieuse constituait ainsi un manquement à leurs obligations.
Pour la CEDH, la demande faite par l’employeur à l’agent d’ôter son voile était donc prévisible, et poursuivait, par ailleurs, le « but légitime qu’est la protection des droits et libertés d’autrui ».
Contrôle de proportionnalité
La Cour rappelle toutefois qu’il appartient au juge d’effectuer un contrôle de proportionnalité de la mesure. L’administration ne saurait en effet porter une atteinte disproportionnée à la liberté de conscience des agents publics lorsque la neutralité de l’Etat est invoquée.
En l’espèce, la Cour estime que « les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation […] en décidant de faire primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’Etat », dès lors que l’intéressée savait, depuis l’avis du Conseil d’Etat, que le port ostentatoire d’un signe religieux constituait un manquement à ses obligations et qu’elle avait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire ainsi que des voies de recours devant les juridictions administratives.
En conclusion, la CEDH retient que « l’ingérence dans l’exercice de sa liberté de manifester sa religion était nécessaire dans une société démocratique, et [qu’]il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention ».
Source : arrêt de la CEDH du 26 novembre 2015
Elise Brissaud