Dans le domaine social et médico-social, les attentes à l'égard des directeurs d'établissement ou service sont fortes et impliquent notamment de savoir faire preuve d'empathie. Ce qui semble avoir fait défaut au directeur d'un foyer pour personnes handicapées et d'un service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) qui, appelé en pleine nuit suite au décès d'un résident, n'a pas jugé utile de se déplacer et a laissé la surveillante de nuit gérer seule la situation et réconforter les usagers. Comportement qualifié par la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin, de "manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail".
La surveillante de nuit laissée seule aux commandes
En l'espèce, le directeur de l'établissement - qui était d'astreinte -, informé par la surveillante de nuit du décès du résident, ne s'est déplacé ni dans la foulée de l'appel téléphonique, ni le lendemain. Il s'est contenté de donner quelques instructions par téléphone afin de prévenir les pompes funèbres et d'accomplir les démarches administratives. La surveillante de nuit s'est donc retrouvée seule pour effectuer ces différentes démarches et, dans le même temps, tenter de calmer et consoler les résidents, "d'autant plus désorientés et déstabilisés qu'il s'agissait de personnes atteintes de handicaps". Des faits ayant motivé l'association employeur à licencier le directeur pour faute grave et insuffisance professionnelle. Une qualification non retenue par les juges d'appel.
Remarque : lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, aucun préavis ne peut être effectué et le salarié n'a pas droit à l'indemnité compensatrice de préavis ni à l'indemnité de licenciement.
Une "mauvaise appréciation" de la situation pour les juges d'appel...
Pour la cour d'appel en effet, l'abstention du salarié à se déplacer relève simplement "d'une mauvaise appréciation manifeste de la situation d'urgence qui imposait une réponse autre que de simples instructions téléphoniques". Elle estime que ce "manquement" ne revêt pas "une gravité rendant impossible le maintien du salarié dans l'association pendant la durée du préavis". Au final, elle juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Remarque : la qualification de faute grave a un intérêt particulier pour les salariés relevant de la Convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. En effet, en vertu de son article 33, le licenciement disciplinaire n'est possible que si le salarié a déjà fait l'objet d'au moins 2 sanctions écrites suivantes : observation, avertissement ou mise à pied. Ce, sauf en cas de faute grave. Dans l'affaire en cause, le directeur - qui relève de cette convention - n'ayant jamais été sanctionné, sans la qualification de faute grave, le licenciement devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
...mais un "manquement grave" pour la Cour de cassation
Une interprétation non partagée par la Cour de cassation. Pour celle-ci, l'attitude du directeur, qui s'est abstenu d'apporter "directement aide ni conseil" aux personnels, non seulement la nuit même du décès, mais également le lendemain, constitue bien un "manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail". Une décision qui semble motivée également par le caractère inédit de la situation résultant de la mort d'un résident, un point sur lequel la Haute juridiction insiste à plusieurs reprises.
Au final, en cas de décès d'un usager, les directeurs d'établissements et services - surtout lorsqu'ils sont d'astreinte ! - se doivent de se rendre sur les lieux afin d'apporter réconfort et soutien aux autres résidents, et aide et conseil à leur personnel.
Source : arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2016 (Chambre sociale, n° 14-29818).
Virginie Fleury