Faire passer la technique, les objectifs et la performance avant l'humain… C'est le risque qui pèse sur les directeurs et cadres, soumis à forte pression. Et pourtant, c'est une tout autre attitude qui doit être cultivée pour susciter l'engagement des salariés. « La capacité à unir les individualités pour atteindre un but commun, c'est justement ce qui caractérise le leadership », insiste Bertrand Duséhu, psychologue social et consultant en ressources humaines [1]. Une posture d'autant plus nécessaire dans le secteur social et médico-social où les évolutions poussent à toujours plus de normalisation et de performance.
1 Faire preuve d'authenticité
Première caractéristique indispensable du leadership, l'authenticité, qui constitue aussi un pilier du management. Autrement dit, pour que ses interlocuteurs, et en premier lieu ses collaborateurs, ne jouent pas un rôle, un manager doit s'abstenir de se fabriquer un personnage. « S'il le fait, il sera tôt ou tard démasqué. Et dans ce cas, comment espérer être digne de confiance ? », interroge Bertrand Duséhu. Pour être effective et vécue sereinement, cette sincérité implique une réelle connaissance de soi. « Il faut avoir identifier ses points forts et ses points faibles, et avoir conscience de ses limites, par exemple dans sa capacité à accepter la contradiction ou l'autonomie de ses subordonnés », assure encore Bertrand Duséhu.
2 Donner du sens
Être un bon organisateur, maîtriser les outils à sa disposition n'est pas suffisant pour faire un leader. Et encore moins dans le secteur social et médico-social, remarque Patrick Enot, ancien directeur général d’association, aujourd'hui administrateur de la fédération d'employeurs Nexem et formateur [2]. Selon lui, le leadership s'affirme notamment dans une capacité à « porter un engagement, une pensée, une exigence dans la réflexion permettant de structurer un discours donnant un sens réel à l'activité des professionnels ». Toujours d'après lui, les directeurs doivent s'autoriser à s'affranchir de la contrainte administrative. Par exemple, il n'est pas interdit de se questionner sur l'opportunité de répondre à un appel à projets si ses objectifs et ses moyens posent problème. « Pour être perçu comme un leader, un directeur doit avoir du recul et ne pas donner l'impression qu'il se laisse porter par des injonctions extérieures », confirme-t-il.
3 Définir un cadre pour mieux déléguer
Le sens défini et partagé, reste à mettre en œuvre une organisation efficace, un périmètre clair pour chacune des fonctions de la structure et des outils de pilotage pertinents. Bref, un cadre précis, donc sécurisant. « Mais il ne doit pas servir à exercer un contrôle sur l'activité quotidienne de ses équipes, prévient Bertrand Duséhu. Au contraire, il doit permettre à chacun d'exprimer sa créativité. C'est tout le paradoxe : tout en étant au centre, celui vers qui tout converge, un leader doit se garder d'occuper tout l'espace. « Il faut pratiquer un certain effacement de soi pour donner de la place aux autres, afin qu'ils puissent exprimer leur propre pouvoir », analyse Patrick Enot. Pas simple… Et pourtant, c'est un des moyens pour chacun de trouver sa juste place, de gagner en autonomie et confiance. Au-delà de la reconnaissance, qui doit être formellement manifestée, cultiver son leadership implique pour un dirigeant d'accompagner le développement de ses collaborateurs, en leur confiant des responsabilités accrues et en envisageant avec eux leur évolution de carrière. Bref, la posture de leader s'avère être celle d'un chef d'orchestre qui se garde de mener son monde à la baguette.
[1] Auteur de « Gagner en leadership », éditions Gereso, 2018
[2] Coanimateur de la formation « Repenser les concepts et enjeux clés de la fonction de direction » proposée par l'Arafdes.
Jean-Marc Engelhard
Point de vue
Marc Pimpeterre, directeur général de l'Union départementale des associations familiales (Udaf) de l'Hérault
« Si l'autorité fait partie de la boîte à outils des directeurs, ce n'est pas par ce biais que l'on peut susciter de l'implication et de l'enthousiasme dans les équipes. Pour faire émerger une réelle dynamique, il est nécessaire de manager par le leadership. Il ne s'agit pas simplement de faire appel à son charisme personnel (même s'il peut jouer un rôle), mais de parvenir à partager une vision, une capacité à se projeter, et d'emmener un collectif dans un même élan. Cette manière de manager nécessite d'écouter, de prendre en compte les objections, de les intégrer à sa propre réflexion, et également d'accorder de l'autonomie aux professionnels afin qu'ils puissent exercer leur créativité. Mais cette liberté doit se vivre dans un cadre commun, avec des objectifs partagés et des indicateurs de performance. Et lors des points d'étape, ce sont les réussites qui doivent d'abord être valorisées, avant d'évoquer les points d'amélioration. Bref, c'est une façon de faire qui n'est pas sans rappeler celle d'un entraîneur sportif ! »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 168 - octobre 2018