Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) doit prévoir un volet financier qui détermine, par groupe fonctionnel ou par section tarifaire, les modalités de fixation annuelle de la tarification. Lesquelles sont librement établies par les parties au regard des objectifs définis. Le Code de l’action sociale et des familles (CASF) envisage plusieurs modes d’évolution de la tarification, qui ne sont toutefois pas obligatoires mais qui se justifient compte tenu du fait que la tarification est fixée annuellement, en dépit du caractère pluriannuel du CPOM.
Le contrat peut envisager notamment l’application directe d’un taux d’actualisation des dotations régionales ou d’un objectif annuel d’évolution des dépenses. Cette modalité d’évolution budgétaire doit être maniée avec prudence et faire nécessairement l’objet d’un diagnostic sérieux et d’une évaluation fine des objectifs préalablement à la conclusion du CPOM. En effet, le gestionnaire ne disposera pas ensuite d’une marge de manœuvre pour faire valoir les besoins qui évolueraient dans des propositions plus importantes que les enveloppes annuelles. Ceci d’autant plus si aucune procédure contradictoire n’est envisagée au contrat et que ce dernier prévoit l’absence de reprise des résultats par l’autorité de la tarification. Ce mode de revalorisation de la tarification n’est donc pas conseillé.
Il est également possible d’appliquer une formule fixe d’actualisation ou de revalorisation, une équation tarifaire, un tarif plafond ou encore un algorithme. Ces options semblent plus favorables aux gestionnaires dans la mesure où elles permettent de différencier les modalités d’évolution de la tarification en fonction du groupe fonctionnel ou de la section tarifaire.
On peut aussi envisager la conclusion d’un avenant d’actualisation ou de revalorisation chaque année. Cette alternative n’offre que peu de visibilité pour les gestionnaires. Si elle n’est pas exclue, le contrat peut prévoir les cas où, en sus d’une ou plusieurs modalités d’évolution tarifaire établies par le contrat, ce serait envisageable. En tout état de cause, cela demeure possible, même si le contrat ne le prévoit pas. En revanche, la conclusion de l’avenant serait alors tributaire de la volonté de l’autorité de tarification de revenir sur les modalités fixées, mieux vaut prévoir cette éventualité dans le contrat.
Quid de la procédure budgétaire contradictoire ?
L’exonération de la procédure budgétaire contradictoire n’est pas entièrement laissée à la discrétion des parties. Elle dépend du caractère obligatoire ou facultatif du CPOM et, dans ce dernier cas, des modalités d’évolution prévues au contrat. En effet s’agissant des CPOM conclus à titre obligatoire (secteurs Personnes âgées et Handicap), la procédure budgétaire contradictoire a été remplacée par celle d’approbation de l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) [1] qui emprunte pour beaucoup à cette première (sans toutefois les garanties qu’offrait le contradictoire), et à laquelle il ne peut être dérogé par contrat. En revanche, concernant les autres catégories de CPOM, la fixation annuelle de la tarification est exonérée de la procédure contradictoire si le volet financier du contrat stipule que la tarification de l'établissement ou du service est intégralement fixée selon l'une des modalités suivantes :
- l'application directe à la structure du taux d'actualisation des dotations régionales limitatives (DRL) ou de l’objectif annuel d'évolution des dépenses approuvé par délibération du conseil départemental ;
- l'application d'une formule fixe d'actualisation ou de revalorisation ou d'une équation tarifaire, d'un tarif plafond ou d'un algorithme. Dans ce cas, les parties produisent les documents parmi les propositions budgétaires annuelles et les annexes devant obligatoirement être transmis dans le cadre d’une tarification hors CPOM, ainsi que les délais de transmission.
Rien ne fait obstacle à ce que le contrat prévoit l’aménagement d’une procédure contradictoire spécifique ou vienne préciser les modalités du dialogue de gestion. Mais si le contrat stipule en sus d’autres modalités d’évolution budgétaire, ou bien même des modalités non prévues par les textes (ce qui est possible), le CPOM devrait organiser la mise en œuvre de la procédure contradictoire, c'est-à-dire un cadre juridique permettant de faire valoir annuellement les stipulations du contrat. De même en est-il si le CPOM prévoit la conclusion d’un avenant annuel.
Une clause de modulation tarifaire sous conditions
C’est une possibilité ouverte aux gestionnaires d’établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) depuis la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2017. La part du forfait global relatif à la dépendance peut en effet être modulée en fonction de l'activité réalisée au regard de la capacité de places autorisées et financées d'hébergement permanent de l'établissement. L'activité réalisée est mesurée par le taux d'occupation :
Taux d’occupation = nombre de journées réalisées par an/capacité permanente autorisée et financée X nombre de journées d’ouverture de l’établissement
Les absences de moins de 72 heures des usagers pour cause d'hospitalisation ou pour convenance personnelle sont comptabilisées dans le total du nombre de journées réalisées. Lorsque le taux d'occupation au titre de l'hébergement permanent est inférieur à un seuil fixé par arrêté des ministres chargés des Affaires sociales et des Collectivités territoriales, le président du conseil départemental module le montant du forfait global. Le pourcentage de minoration est égal à la moitié de la différence entre le seuil fixé et le taux d'occupation.
Mais l’autorité de tarification peut tenir compte de situations exceptionnelles pour ne pas appliquer tout ou partie de la modulation. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit d’élargir le mécanisme de modulation au CPOM conclu avec le gestionnaire d’un ou plusieurs Ehpad incluant d'autres catégories d'établissements ou services. Si cette disposition était adoptée en l’état, il s’agirait d’une faculté et non d’une clause obligatoire du CPOM devant nécessairement entrer dans le champ de négociation avec les autorités de tarification, dans la mesure où elle peut entraîner une minoration de la dotation annuelle, négociation qui doit s’effectuer notamment en fonction des objectifs d’activités prévues au CPOM.
En dehors de ces cas précis, aucune disposition n'établit la possibilité de moduler la dotation en fonction de l’activité pour les CPOM conclus à titre facultatif ou obligatoire. Les mécanismes de modulation peuvent être mis en place par les autorités de tarification dans la mesure où il constitue un outil efficace de restructuration de l’offre, avec ou sans CPOM, sans toutefois qu’il n’existe à ce jour un fondement juridique qui permette de prévoir les conditions et les critères d’une modulation, ce qui vient sérieusement questionner la légalité d’une telle méthode de tarification.
En cas de défaut d’exécution des dispositions financières ?
Dans l’hypothèse de l’inexécution d’une clause du CPOM, d’une divergence d’interprétation de la clause entraînant des conséquences sur la fixation de la dotation ou de toute autre contestation de son montant, et si le dialogue de gestion ne permet pas de résoudre ce différend, le gestionnaire ne peut former de recours devant les juridictions tarifaires qu’à l’occasion de l’intervention annuelle de l’arrêté de tarification. En effet, bien que le CPOM présente un caractère pluriannuel, les autorités de tarification prennent un arrêté de tarification ou une décision tarifaire chaque année pour fixer la dotation ou les tarifs en vertu des dispositions du CPOM. Le gestionnaire dispose d’un délai relativement court pour le contester devant la juridiction compétente : à savoir un mois à compter de la notification ou de la publication de l’arrêté. Il est possible de le prolonger à trois mois en formant un recours gracieux dans le délai d’un mois, sachant que l’administration a droit à deux mois pour y répondre et que le gestionnaire a à nouveau un mois pour attaquer à compter de l’intervention de la décision implicite de rejet ou d’un refus express. Ce recours présente avant tout un caractère « conservatoire » compte tenu à la fois du délai de jugement de ce type de recours et de la poursuite de l’exécution du CPOM le temps de l’instruction de la requête. Dans tous les cas, le gestionnaire ne pourra pas invoquer, à l’issue de la durée du CPOM, l’inexécution des clauses pour la durée totale du contrat. Mieux vaut donc rappeler les modalités de contestation de la dotation ou du tarif dans le contrat.
[1] Lire Direction[s] n° 149, p. 32
Nadia Ben Ayed, avocate à la Cour, directrice secteur économie sociale et solidaire, cabinet Seban et Associés
Une opposabilité à géométrie variable
Le régime juridique du CPOM, et particulièrement le caractère obligatoire des dispositions financières, ne sont pas encore fixés compte tenu de la rareté de la jurisprudence en la matière. D'où le manque de recul sur ce sujet, notamment quant à la distinction qu’il conviendrait d’opérer entre l’opposabilité des dispositions financières des CPOM dont la conclusion est prévue par la loi et ceux conclus à titre facultatif. Les précédents relatifs à la portée des conventions tripartites et les premières jurisprudences rendues en matière du CPOM ne tendent pas à reconnaître le caractère opposable des dispositions financières à l’encontre des autorités de tarification. En effet, il a déjà été jugé que les clauses financières n’engageaient pas ces dernières, alors même qu’elles sont opposables à l’organisme gestionnaire. Ne pas atteindre les objectifs fixés par le CPOM pourrait ainsi entraîner des conséquences financières suivant et en application des termes du CPOM, alors que cette logique ne serait pas systématiquement applicable aux autorités de tarification. Ce constat doit à la fois pousser les gestionnaires à être vigilants tant au stade du diagnostic, de la détermination des objectifs d’activité (fiches actions, indicateurs de suivi) que de la rédaction du contrat.
Les cas de libre affectation des résultats
Le CPOM peut prévoit une clause permettant à l'organisme gestionnaire de fixer librement l’affectation de ses résultats. Ce uniquement dans trois cas : lorsque la structure se voit appliquer le taux d'actualisation des dotations régionales limitatives (DRL) ou de l’objectif annuel d'évolution des dépenses approuvé par délibération du conseil départemental, l'application d'une formule fixe d'actualisation ou de revalorisation ou d'une équation tarifaire, ou d'un tarif plafond ou d'un algorithme. Cette faculté s’accompagne de l’absence de reprise des résultats déficitaires par l’autorité de tarification. Les déficits doivent ainsi être prioritairement couverts par reprise du compte de réserve en compensation, et le surplus ajouté aux charges d’exploitation de l’exercice au cours duquel il a été constaté ou qui suit. Bien que l'organisme gestionnaire puisse fixer l’affectation des résultats, l’autorité de tarification peut demander le reversement de certains montants si elle constate des dépenses sans rapport ou manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements et services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d’accompagnement, ou des recettes non comptabilisées. Pour les CPOM obligatoires, le contrat prévoit les modalités d’affectation des résultats en lien avec les objectifs du contrat [1]. Notamment le report pour tout ou partie d'un excédent comptable en diminution du tarif de l'exercice sur lequel cet excédent est constaté ou de l'exercice qui suit, sauf pour les Ehpad et les petites unités de vie (PUV).
[1] Dans le respect des articles R314-210 et suivants du CASF
Publié dans le magazine Direction[s] N° 159 - décembre 2017