Conseil d'État sous-sections 2 et 7 réunies, 22 juin 2012, n° 352904, Cimade et Gisti c/ Ministère de l’Intérieur
« […] considérant […] que les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux [ESSMS], dont les centres d’accueil de demandeurs d’asile [Cada], sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale [Cnoss] […], que le premier alinéa de l’article 9 de la convention-type […] prévoit que les Cada doivent disposer d’un effectif composé pour plus de la moitié de travailleurs sociaux attestant des qualifications professionnelles requises ; que de telles prescriptions sont au nombre des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement qui ne peuvent être fixées qu’après avis de la section sociale du Cnoss […]. »
Les faits. Le Code de l’action sociale et des familles (CASF) subordonne le bénéfice de l’aide sociale pour les personnes accueillies en Cada à la signature d’une convention entre l’État et le gestionnaire de l’établissement (1). Celle-ci doit être conforme à une convention-type dont les stipulations ont été déterminées par le décret du 31 août 2007, modifié par celui du 20 juillet 2011. L'association de solidarité Cimade et le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) contestaient la légalité de ce dernier et en demandaient l’annulation pour obtenir celle de la nouvelle convention-type.
Parmi les nouvelles stipulations figurait notamment l’obligation pour les établissement de « disposer d’un effectif déterminé à raison d’un équivalent temps plein pour dix à quinze personnes accueillies et composé pour plus de la moitié de travailleurs sociaux attestant des qualifications professionnelles requises ». Le Conseil d’État a considéré qu’une telle stipulation constitue en réalité une condition technique minimale d’organisation et de fonctionnement pesant sur les Cada, devant à ce titre faire l’objet d’un avis de la section sociale du Cnoss. Cette instance n’ayant pas été consultée, le Conseil d’État annule l’article 9 de la convention-type, « le défaut de consultation de la section sociale du Cnoss ne pouvant être regardé, eu égard à la nature de la décision en cause et aux attributions de la section sociale de ce comité, comme ayant été dépourvue d’influence sur le sens des dispositions du premier alinéa de la convention-type ».
La portée de cette décision
Il est extrêmement fréquent que la prise en charge des frais de fonctionnement des établissements et services soit subordonnée à la signature d’une convention avec le financeur. Cette jurisprudence est donc transposable à l’ensemble des conventions porteuses de normes de fonctionnement et ayant un contenu obligatoire procédant d’un décret.
On peut songer aux conventions tripartites signées par les gestionnaires d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) avec les conseils généraux et les agences régionales de santé. Le CASF (2) indique que de telles conventions doivent respecter un cahier des charges établi par arrêté. Si d’aventure ce cahier des charges, ou ses modifications ultérieures, n’avait pas recueilli l’avis du Cnoss, il semble probable qu’il puisse être censuré. En revanche, la convention signée entre les gestionnaires d’établissements et services d’aide par le travail (Esat) et l’État (3) ne paraît pas pouvoir entrer dans ce cadre, car cette disposition réglementaire ne fait pas état d’un « contenu-type » ou d’un « cahier des charges » à respecter de manière impérative. Elle se contente de mentionner en termes très généraux quatre grands thèmes que ces conventions doivent aborder.
La mise en œuvre de cette jurisprudence demeure toutefois encadrée par des conditions de délai rigoureuses. Une disposition réglementaire ne peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, et à ce titre être annulée de façon définitive et générale par le juge, que dans un délai de deux mois suivant sa publication. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État considère ici comme irrecevables des conclusions dirigées contre les articles 1 à 5 de la convention-type, qui ne faisaient que reprendre des stipulations déjà approuvées par le précédent décret du 31 août 2007. Le décret du 20 juillet 2011 devant, pour ces dispositions, être considéré comme un acte confirmatif ne pouvant avoir pour effet de proroger le délai de recours.
Cette exigence limite naturellement la portée pratique de cette jurisprudence, qui doit toutefois inciter les administrations à respecter scrupuleusement les compétences consultatives du Cnoss.
(1) Code de l’action sociale et des familles, art. L348-4
(2) CASF, art. L313-12
(3) dont le contenu est mentionné à l’article R344-7 du CASF
Laurent Cocquebert, avocat au barreau de Paris
Publié dans le magazine Direction[s] N° 99 - octobre 2012