Cour de cassation, chambre sociale,n°08-44.280, 9 juin 2010
« La cour d'appel, qui a apprécié la situation par rapport à la date du licenciement, a constaté l'existence, à cette époque, tant d'une perturbation de l'entreprise à la suite de l'absence de la salariée depuis le 19 juillet 2004, que d'un remplacement définitif de celle-ci dans un délai raisonnable, par l'embauche d'une assistante maternelle suivant un contrat à durée indéterminée »
L'analyse. En principe, le Code du travail interdit le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé (1), sauf en cas d'inaptitude dûment constatée par le médecin du travail (2). Toutefois, la jurisprudence considère que l'absence du salarié malade, lorsqu'elle se prolonge ou se répète, peut être un motif légitime de rupture, à la double condition qu'elle entraîne des perturbations dans le bon fonctionnement de l'établissement, et que celles-ci rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié (3). La maladie n'est bien qu'une cause indirecte du licenciement : ce n'est pas l'état de santé qui constitue un motif de rupture, mais les conséquences que l'absence du salarié malade produit sur la bonne marche de l'établissement.
Dans cette affaire, une assistante maternelle au sein d'une association d'aide à l'enfance est absente pour cause d'arrêt maladie depuis juillet 2004. Elle est licenciée en février 2005 au motif que son absence perturbe les enfants qui lui sont confiés. La salariée conteste le licenciement l'estimant insuffisamment motivé, l'employeur n'apportant pas d'élément justifiant de la désorganisation de l'association occasionnée par son absence prolongée.
En pratique, toute absence d'un salarié a inévitablement des répercussions sur le fonctionnement de l'établissement en général, ou plus précisément du service dans lequel il est affecté. Pour justifier un éventuel licenciement, la perturbation doit, néanmoins, être d'une importance telle qu'elle rend nécessaire le remplacement définitif du salarié.
Afin d'apprécier la réalité de ces nuisances, les juges se livrent à un examen concret de chaque situation à partir de différents critères comme l'emploi ou la qualification du salarié, la taille de l'établissement (nombre de salariés), son activité, l'organisation qu'elle implique et enfin la durée de l'absence. En l'espèce, les juges ont décidé qu'au regard de l'activité de l'association, c'est-à-dire l'aide à l'enfance, une absence prolongée d'une assistante maternelle (pendant plus de six mois) engendre irrémédiablement des désorganisations au sein de l'établissement. Les juges se sont donc limités à la prise en compte de l'activité de la structure pour considérer que l'absence prolongée entraînait de graves dérangements.
Remplacement définitif
L'autre condition pour que le licenciement du salarié absent soit valable, tient à la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Elle est déterminée au regard d'un ensemble de facteurs tels que l'emploi occupé par le salarié, la taille de l'établissement, la situation géographique du lieu de travail, l'impossibilité de recourir au remplacement du salarié pendant son absence par un contrat à durée déterminée, etc. En tout état de cause, le remplacement doit être définitif et effectif dans un délai « raisonnable » après le licenciement.
C'est le juge qui estime ce délai en tenant compte des spécificités de l'établissement et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue du recrutement (4). À cet égard, la salariée faisait valoir plusieurs arguments : au jour du licenciement, l'employeur n'avait pas procédé à son remplacement définitif, il n'avait pas réalisé d'embauche pour la remplacer durant son arrêt de travail, et n'avait procédé à un recrutement que plus de cinq mois après son licenciement. La Cour de cassation ici a jugé que le délai de cinq mois pour pourvoir au remplacement de cette assistante maternelle constituait un délai parfaitement raisonnable.
La Cour rappelle également dans cet arrêt que la réalité et le sérieux du motif du licenciement s'apprécient au jour où la décision de rompre le contrat est prise par l'employeur, à savoirà la date du licenciement. Or à cette date, celui-ci a bien pu justifier tant d'une perturbation dans la bonne marche de l'association à la suite de l'absence de la salariée depuis plusieurs mois, que d'un remplacement définitif de celle-ci dans un délai raisonnable, à savoir un délai de cinq mois.
En conclusion, il convient de faire preuve de prudence dans la rédaction de la lettre notifiant un licenciement pour nécessité de remplacement d'un salarié malade, en veillant à expliquer les perturbations engendrées par l'absence du salarié sur le bon fonctionnement de l'établissement. Il faut également être en mesure de justifier que le recrutement du remplaçant a été effectué ou, au moins, que des recherches pour remplacer le salarié absent sont en cours.
(1) Lire Direction(s) n° 72, p. 35
(2) Code du travail, article L1132-1
(3) Cass. soc., 16 juillet 1998, n° 97-43.484
(4) Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.156
Florence Riquoir, juriste, Cabinet Capstan
Publié dans le magazine Direction[s] N° 79 - décembre 2010