Cour de cassation, chambre sociale, 15 septembre 2010, n°09-41.949
« La cour d'appel a retenu que la salariée, qui n'avait à aucun moment informé l'infirmière de garde de difficultés particulières, avait laissé sans soins, la nuit entière, l'une des résidentes de la maison de retraite, a pu décider que ce seul fait constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement »
L'analyse. Le renforcement de la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux menée par les pouvoirs publics est plus que jamais d'actualité, comme le montre encore une circulaire récente de la Direction générale de la cohésion sociale (1).
Le terme de maltraitance, s'il est couramment employé, n'est pas défini par la loi. Il s'apparente sous certains aspects à de mauvaises pratiques professionnelles, à des manquements à l'éthique, à la déontologie, voire à des actes délictueux à l'égard de personnes d'une particulière vulnérabilité, ayant un impact sur leur sécurité, leur bien-être physique ou psychologique et leur dignité (2).
Il n'existe pas non plus dans le Code pénal d'infraction de maltraitance à proprement parler, la maltraitance pouvant se traduire par de multiples infractions prévues par ce même code. Celui-ci appréhende ainsi les actes les plus graves de maltraitance par des infractions telles que violences, agression sexuelle, défaut de soins ou d'aliments, etc.
Les outils de la loi 2002-2
À défaut d'apporter plus de précision sur la définition du concept, déjà la loi du 2 janvier 2002 avait imposé la mise en place d'outils contribuant à la prévention, à la détection et au traitement de ce type d'agissement. Au centre du dispositif, l'usager, qui se doit d'être informé, afin d'être en mesure de faire part d'actes de maltraitance dont il serait victime.
L'article L311-4 du code de l'action sociale et des familles vise également à prévenir tout risque de maltraitance, et impose dans le même esprit de remettre à l'usager, dès son arrivée dans l'établissement, le livret d'accueil, la charte des droits et libertés de la personne accueillie et le règlement de fonctionnement.
Malgré tous les efforts fournis dans la lutte contre ces actes, quelques problèmes de maltraitance et négligence subsistent comme le montre la jurisprudence existante en la matière. Un nouvel arrêt vient de l'illustrer.
En l'espèce, une salariée est engagée en qualité d'agent de service hospitalier (ASH) de nuit par une société gérant une maison de retraite. Elle a notamment pour fonction d'assurer l'entretien et l'hygiène des résidants. Elle est licenciée trois ans plus tard pour faute grave. Son employeur lui reproche plusieurs actes de maltraitance. Le premier s'est produit au cours d'une nuit au cours de laquelle la salariée a d'abord été agressée par une résidante atteinte de la maladie d'Alzheimer. L'ASH aurait, dans la même nuit, commis un acte de maltraitance envers cette personne âgée. Ensuite, la salariée a refusé de s'en occuper. C'est ainsi qu'elle l'a, quelques temps plus tard, laissé sans soins pendant une nuit entière (absence de change), laquelle a été retrouvée dans un état d'hygiène déplorable par l'équipe de jour. Suite à ces deux incidents, l'employeur décide de licencier la salariée pour faute grave.
Responsabilité de l'employeur
Dans l'établissement, l'employeur est responsable à la fois de la discipline de ses salariés et du bien-être des personnes accueillies. Ainsi, il ne peut pas rester sans réaction lorsqu'il a connaissance de tels faits, et c'est à lui de décider du degré de gravité de la faute commise (ou des fautes) et de la mesure disciplinaire appropriée, notamment le licenciement.
Ici, au regard de la gravité des actes de négligence commis sur la personne âgée, vulnérable car atteinte de troubles cognitifs importants, l'employeur a donc opté pour un licenciement pour faute grave. La salariée a contesté cette mesure devant le conseil de prud'hommes. Elle invoquait notamment que, en tant qu'ASH non qualifiée, elle travaillait seule de nuit, et qu'elle aurait dû être assistée pour l'exécution de ces tâches lourdes par un agent qualifié.
Ces arguments ne sont pas retenus par la Cour de cassation. En effet, la nuit du premier incident, la salariée n'a pas informée l'infirmière d'astreinte, comme elle aurait dû le faire immédiatement. Elle ne l'en a pas non plus informée par la suite, même si elle prétend avoir laissé un mot au directeur de l'établissement. La procédure prévue, c'est-à-dire prévenir l'infirmière de garde n'a pas été respectée. La Cour décide donc qu'en n'ayant à aucun moment informé ladite infirmière des difficultés rencontrées et en ayant par la suite laissé la même résidante sans soins, le licenciement de l'ASH est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et donc justifié.
(1) Circulaire DGCS/2A/2010/254 du 23 juillet 2010 relative au renforcement de la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées et au développement de la bientraitance dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de la compétence de l’ARS
(2) Lire Direction(s) n° 68, p. 10
Florence Riquoir, juriste Cabinet Capstan
Publié dans le magazine Direction[s] N° 80 - janvier 2011