Cour de cassation, chambre sociale, 10 novembre 2009, n°07-45.528
« Dès lors que les quatre salariés ne disposaient pas, contrairement à leurs autres collègues, du diplôme requis par la convention collective pour l'exercice des fonctions exercées, cela constitue un élément objectif et pertinent justifiant la différence de rémunération. »
L'analyse. En matière de rémunération, le principe général « à travail égal, salaire égal » donne lieu à un abondant contentieux. De façon générale, ce principe signifie que l'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre les salariés, dès lors qu'ils sont placés dans une situation identique. Mais en pratique, il est difficile de définir les travaux, les fonctions, les tâches qui doivent être considérés comme équivalents, et donc donner lieu à des rémunérations équivalentes. À cet égard, le Code du travail fournit quelques indications utiles. Ainsi, à propos de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes (1), il précise que sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent un ensemble comparable de :
- connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle,
- capacités découlant de l'expérience acquise,
- responsabilités,
- charge physique ou nerveuse.
Le premier critère énoncé est celui des connaissances consacrées par un titre ou un diplôme. Il est important car, comme l'illustre l'arrêt du 10 novembre 2009, il est utilisé par les juges pour l'application du principe « à travail égal, salaire égal », c'est-à-dire au-delà de la seule l'égalité homme-femme.
En l'espèce, plusieurs salariés d'une association embauchés en qualité de moniteurs éducateurs non diplômés revendiquent une rémunération égale à celle de leurs collègues diplômés. Pour cela, ils mettent en avant la similarité des tâches effectuées. Le principe « à travail égal, salaire égal » interdit-il finalement à l'employeur de rémunérer différemment des salariés en fonction de la possession, ou non, d'un diplôme ? Il n'en est rien, et c'est ce que rappelle la Cour de cassation dans cette affaire. L'employeur peut légalement verser des rémunérations différentes à la condition que cette différence soit justifiée par un « élément objectif et pertinent ». Tel est le cas ici : le fait qu'un diplôme particulier soit requis par la convention collective pour l'exercice des fonctions constitue un « élément objectif et pertinent » justifiant la différence de rémunération, qui découlera généralement d'une différence de classification conventionnelle et ne sera finalement que le résultat pur et simple de l'application de la convention collective à laquelle l'employeur est soumis.
De réelles incidences sur la fonction
La solution serait différente si le diplôme n'était pas spécialement requis par la convention collective. Ainsi, dans une affaire plus ancienne, des salariés, agents de production, s'étaient plaints de leur salaire, inférieur à celui d'une autre salariée accomplissant le même travail au même niveau de responsabilité. L'employeur a fait valoir que cette salariée était titulaire de diplômes que les autres ne possédaient pas, et qu'elle avait une expérience professionnelle plus complète que la leur, ce qui pour lui justifiait la différence de rémunération. Cet argument n'a pas été retenu par la Cour de cassation, pour laquelle la différence de rémunération constatée doit être justifiée par des critères objectifs tenant à la différence de travail fourni (2). La possession d'un diplôme en elle-même ne suffit donc pas, encore faut-il que celle-ci ait une réelle incidence sur l'exercice des fonctions. Le diplôme justifie une différence s'il est un critère pertinent de distinction.
C'est pourquoi une simple différence des diplômes détenus, alors qu'ils sont d'un niveau équivalent, a été jugée comme ne permettant pas non plus de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions. Dans ce cas, une différence est possible à la condition que l'employeur démontre que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée (3).
Au-delà de la possession d'un diplôme, une différence de rémunération peut résulter de nombreux autres facteurs. Ainsi, une catégorie de personnel, par exemple des cadres, peut bénéficier d'un avantage salarial individuel, dès lors qu'ils sont chargés de responsabilités particulières de gestion (4). En d'autres termes, le principe « à travail égal, salaire égal » n'interdit pas à l'employeur de prendre des mesures d'individualisation des salaires, dès lors que les augmentations individuelles ne sont pas purement discrétionnaires, mais résultent, ici encore, de critères objectifs, pertinents, et surtout vérifiables par le juge en cas de contentieux (5)...
(1) Code du travail, art. L3221-4
(2) Cass. soc. 9 décembre 2003, n° 01-43.039
(3) Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 07-42.107
(4) Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 03-15.258
(5) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-17.577
Florence Riquoir, juriste, cabinet Capstan, pôle santé