Cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2011, n° 08-45.422
« Après avoir constaté qu'aux termes des statuts de l'association, le président recrute, nomme, licencie et assure la gestion et le pouvoir disciplinaire du personnel salarié de l'association et peut déléguer ses pouvoirs à un administrateur ou à un directeur général avec l'accord du conseil d'administration et que la délégation de pouvoir consentie par le président de l'association, le 16 décembre 2003, approuvée par son conseil d'administration, mentionnait exclusivement la possibilité de recruter et de signer les contrats de travail concernant les cadres et employés du siège comme des résidences, la cour d'appel qui a décidé que le licenciement de M. X... par une personne dépourvue de qualité à agir était sans cause réelle et sérieuse »
L'analyse.
La procédure de licenciement pour motif personnel est aujourd'hui strictement encadrée par le Code du travail (1). Il en va d'ailleurs de même dans le cas du licenciement pour motif économique, même si celui-ci reste un peu moins fréquent dans les associations que dans les entreprises « classiques ». Il convient de respecter l'ensemble de la procédure prescrite par le Code du travail car celle-ci est dite « d'ordre public » : il est interdit d'y déroger par quelque moyen que ce soit. Ainsi, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable. Le licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse, être notifié par courrier recommandé. Et il convient de respecter un préavis. Ce à quoi peuvent s'ajouter des dispositions conventionnelles. Par exemple, la convention collective nationale du 15 mars 1966 – CCN 66 (2) comporte notamment des dispositions relatives au préavis et à l'indemnité de rupture.
Toutefois, en amont de l'ensemble de ces règles, une question importante semble parfois oubliée : la personne qui instruit la procédure au sein de l'association, au nom et pour le compte de celle-ci, et signe les documents, est-elle la « bonne » personne ? Dispose-t-elle réellement du pouvoir d'accomplir ces actes ? Cette question est importante car la procédure, même menée dans le plus strict respect des règles législatives et conventionnelles, par une personne qui ne dispose pas du pouvoir de licencier, est considérée par la jurisprudence de la Cour de cassation comme viciée. Ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et entraînera pour l'association, en cas de contentieux, une condamnation au versement d'indemnités. En principe, le licenciement sans cause réelle et sérieuse expose au paiement d'une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en plus de l'indemnité de licenciement (3).
Conformément aux dispositions de l'article L1232-6 du Code du travail, c'est à l'employeur de notifier le licenciement au salarié. L'employeur est la personne qui exerce les pouvoirs de direction au regard des statuts de l'association. Cependant, la Cour de cassation a admis qu'un licenciement puisse être notifié par un représentant de l'employeur ou par une « personne habilitée en apparence » à le prononcer (4), la délégation de pouvoirs n'étant pas nécessairement écrite (5) mais devant être prouvée.
Délégation de pouvoirs
Dans le secteur social et médico-social, les employeurs sont largement constitués d'associations fondées sur des statuts librement rédigés par leurs dirigeants. La recherche de l'identité de l'employeur et de son éventuel représentant est donc d'autant plus délicate au regard du pouvoir de licencier. Les juges se fondent sur l'interprétation des statuts, ce qui peut engendrer des décisions contrastées en fonction de leur rédaction.
Ainsi, la Cour de cassation a posé comme principe qu'il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en œuvre la procédure de licenciement d'un salarié (6).
En l'espèce, les statuts de l'association mentionnaient que « le président recrute, nomme, licencie et assure la gestion et le pouvoir disciplinaire du personnel salarié de l'association et peut déléguer ses pouvoirs à un administrateur ou à un directeur général avec l'accord du conseil d'administration. » Une délégation de pouvoir avait bien été consentie à la personne ayant mené la procédure de licenciement par le président de l'association, approuvée par son conseil d'administration. Mais elle mentionnait exclusivement la possibilité de recruter et de signer les contrats de travail. Par conséquent, le licenciement du salarié de l'association est jugé comme ayant été effectué par une personne dépourvue de qualité à agir. Par conséquent, sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d'être très attentif à la rédaction des statuts et des éventuels règlements intérieurs d'association. Et de prévoir expressément – si nécessaire – la capacité pour l'organe titulaire du pouvoir de licencier de déléguer cette attribution. Il est également recommandé d'être précis dans la rédaction de la délégation de pouvoirs et de vérifier la concordance avec les textes statutaires associatifs. Enfin, une attention particulière doit être donnée aux procédures et garanties éventuellement prévues en cas de licenciement par les textes statutaires.
(1) Code du travail, art. L1232-1 et suiv. (2) CCN 66, art. 16 à 19 (3) Code du travail, art. L1235-3 (4) Cass. soc., 20 juin 1984, n° 81-42.212 (5) Cass. soc., 6 juillet 2004, n° 02-433-222 6) Cass. soc., 29 septembre 2004, n° 02-43.771
Florence Riquoir, juriste, cabinet Capstan
Publié dans le magazine Direction[s] N° 86 - juillet 2011