Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2011, n° 10-30.236
« La cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur la seule note de service de 2003, et qui a examiné les fonctions réellement occupées par la salariée, a pu en déduire que [celle-ci] devait bénéficier de la qualification de secrétaire administrative, la convention collective applicable n'excluant pas qu'un salarié ne possédant pas le niveau IV de diplôme puisse bénéficier de cette classification. »
L’analyse
De façon générale, les contentieux initiés par des salariés réclamant le bénéfice d’une classification supérieure sont assez fréquents. Le secteur social et médico-social ne fait pas exception en la matière. L’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011 illustre bien ce type de demande. En l’espèce, une salariée est engagée en qualité d’agent administratif par une association appliquant la convention collective nationale (CCN) des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. Estimant exercer des fonctions de secrétaire administrative, relevant d’une qualification conventionnelle supérieure à la sienne, elle saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir son reclassement, ainsi que le rappel de salaires afférent. Elle obtient gain de cause en appel, puis devant la Cour de cassation. Les juges, pour lui donner raison, se fondent sur une note de service indiquant que la salariée se voyait confier le secrétariat de la directrice de l'association, ce qui ne correspondait pas à une simple tâche d'exécution caractéristique de la qualification d'agent administratif. Ils s’appuient aussi, au-delà des mentions portées sur le contrat de travail ou sur la note de service, sur l’examen de l’ensemble des fonctions réellement exercées par la salariée.
En effet, le principe est que la qualification d’un salarié doit être appréciée en considération des fonctions effectivement remplies. Par exception, l’employeur peut décider volontairement d’octroyer au salarié un classement différent, mais uniquement s’il est plus favorable au salarié, donc supérieur à celui qui correspond aux fonctions exercées (1). Ce classement peut, notamment, résulter du contrat de travail. Attention, il convient donc d’être très attentif à la mention de la classification dans le contrat susmentionné car une fois celle-ci indiquée, elle se trouve contractualisée et l’employeur ne pourra pas ensuite la modifier sans l’accord du salarié. Par exemple, il a été jugé (2) qu’il est impossible à l’employeur de revenir unilatéralement sur la classification d’éducateurs sportifs mentionnée dans le contrat de travail de salariés, même si celle-ci a été attribuée par erreur à la place de celle d’auxiliaires éducatifs et sportifs (suivant la CCN de l’hospitalisation privée à but non lucratif du 31 octobre 1951). La Cour de cassation a également jugé que la répétition de la mention d’une fonction sur les bulletins de paie pendant 12 mois exclut l’existence de l’erreur matérielle invoquée par l’employeur (3) et constitue la preuve que la salariée exerçait réellement les fonctions qu'elle revendiquait. En revanche, lorsque la qualification dont bénéficie le salarié résulte non du contrat de travail, mais uniquement de l’application des dispositions d’un accord collectif en vigueur dans l’établissement, une nouvelle classification, qui ne constitue alors que l’application des modifications apportées à cet accord par un avenant, est opposable au salarié. Qui ne peut se prévaloir d’une modification de son contrat de travail (4).
En fonction du diplôme requis
Dans le secteur sanitaire et social, un autre élément entre souvent en compte dans la détermination de la qualification du salarié : le diplôme. Il convient de rappeler, à cet égard, que seul le niveau de diplôme exigé par l’employeur lors de l’embauche doit être pris en compte pour positionner un salarié (5). Autrement dit, il ne suffit pas à ce dernier de détenir un diplôme pour obtenir de façon automatique la classification conventionnelle correspondante, si la possession du diplôme n’a pas été demandée par l’employeur lors de la conclusion du contrat de travail et/ou si ce diplôme n’est pas en rapport avec les fonctions exercées. La Cour de cassation a rappelé ces principes récemment dans un cas d'espèce relatif à la CCN du 31 octobre 1951. La salariée d’une association, embauchée en tant que lingère, obtient au cours de sa carrière le diplôme d’éducateur spécialisé. Arguant de la possession de ce diplôme et de l’accomplissement d’activités éducatives, elle demande alors son reclassement à un coefficient supérieur. Sa demande est rejetée par la Cour de cassation car la salariée n’explique pas en quoi le diplôme dont elle est titulaire équivaut à celui requis pour obtenir le coefficient qu’elle réclame, et ne démontre pas qu’elle a mené des actions éducatives à titre habituel, et donc que celles-ci ont été intégrées à ses fonctions (6).
Mais qu’en est-il lorsque le salarié obtient son reclassement dans une qualification supérieure ? Dans l'hypothèse de l'attribution par le juge d'un coefficient hiérarchique supérieur, l'employeur n'est tenu qu'au paiement d'un rappel des salaires correspondant au minimum conventionnel de rémunération afférent à ce coefficient. S’il s’avère que la rémunération versée au salarié était déjà supérieure à ce minimum, aucun rappel ne sera dû (7).
(1) Cass. soc., 11 octobre 2000, n° 98-43.444
(2) Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 10-30.473
(3) Cass. soc., 24 janvier 2001, n° 98-45.410
(4) Cass. soc., 16 novembre 1993, n° 90-43.233
(5) Cass. soc., 18 février 2009, n° 07-44.920
(6) Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-18.017
(7) Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-42.691
Florence Riquoir, avocat, cabinet Capstan
Publié dans le magazine Direction[s] N° 96 - juin 2012