Depuis le 1er janvier 2016, les négociations annuelles obligatoires (NAO), sous réserve d'aménagements conventionnels, ne sont plus segmentées, mais regroupées en
trois blocs (deux pour les entreprises de moins de 300 salariés) :
- les rémunérations, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée (premier bloc avec une négociation annuelle) ;
- l’égalité professionnelle femmes-hommes et la qualité de vie au travail (deuxième bloc avec une négociation annuelle) ;
- la gestion des emplois, des parcours professionnels, et mixité des métiers (troisième dernier bloc concernant les seules entreprises de plus de 300 salariés, avec une périodicité triennale).
Cette consolidation est notamment assortie de nouveaux objets de négociation :
- suivi du déploiement des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes ;
- articulation entre vie personnelle et vie professionnelle ;
- lutte contre les discriminations en matière de recrutement, d'accès à l'emploi et de formation professionnelle ;
- modalités du plein exercice par le salarié de son « droit à la déconnexion » et mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques (depuis le 1er janvier 2017) ;
- déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales…
La mue de la NAO ne rime donc pas encore avec simplification.
La modulation des cycles et des thèmes de négociation
Cet allègement relatif du nombre des obligations de négociations périodiques (de douze thèmes à trois blocs) s’accompagne de la possibilité d'en moduler l'architecture et le cycle. Elle est toutefois conditionnée par la conclusion d’un accord de méthode avec les organisations syndicales.
En outre, si l’aménagement concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, l’entreprise devra [1] être déjà couverte par un accord collectif ou un plan d'action sur l'égalité professionnelle [2], et ce pendant toute la durée d'application de l'accord.
Cet accord collectif qui reconfigure les règles de négociation doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections de titulaires au comité d'entreprise (CE) ou de la délégation unique du personnel (DUP) ou, à défaut, des délégués du personnel (DP), quel que soit le nombre de votants. Dans ces conditions, la périodicité des négociations (pour tout ou partie des thèmes) peut être repoussée dans la limite de trois ans pour les deux blocs de négociations annuelles, de cinq ans pour celle triennale.
Enfin, l'accord peut en adapter le nombre ou prévoir un regroupement différent des thèmes. Mais il ne peut en aucun cas supprimer ceux obligatoires.
Dans le même ordre d’idées, si la périodicité relative aux salaires effectifs a été modifiée par accord, une organisation syndicale signataire de celui-ci peut, au cours de la période fixée par l'accord, demander que cette négociation soit engagée. L'employeur devra alors y faire droit sans délai. Objectif ? Fixer des règles transparentes, opérationnelles et partagées par tous les acteurs.
Vers une globalisation des NAO
La possibilité d’aborder tous les sujets d’un bloc, dans le cadre d’une négociation thématique, peut favoriser le dialogue social et même créer un consensus avec l’ensemble des organisations syndicales. Dans cette optique, les thèmes à aborder sont tellement diversifiés qu’il vaut mieux prévoir une première réunion de lancement pour identifier les objets négociables et la méthodologie adoptée.
À ce titre, il est important de prendre de la distance et d’envisager une organisation des NAO dans sa globalité. Ainsi, il est conseillé d'aligner les temps de la NAO sur le rythme de la vie de l'association gestionnaire (échéances budgétaires, comptables, fiscales, sociales, politiques…).
Désormais, la NAO s’appuiera sur certaines données de la base de données économiques et sociales [3]. Cet élément posé, on peut s’interroger sur l'articulation des trois consultations obligatoires du CE et de la NAO. Ce sujet n’est pas anodin puisque depuis le 1er janvier 2016, un nouveau cas de recours à l’expertise technique est prévu au bénéfice du CE concernant l’égalité professionnelle. Aussi privilégiera-t-on pour des raisons de cohérence, le couplage de la consultation sur « la politique sociale » et la négociation sur le bloc « égalité professionnelle femmes/hommes et qualité de vie au travail ».
La promotion du groupe
Les mutations qui affectent le secteur associatif, la tendance à la fusion, tout comme les mouvements de décentralisation et d'externalisation ont des incidences sur le cadre des négociations. Sur ce point, la loi Travail, dans le prolongement de la loi Rebsamen, envisage expressément que la négociation peut avoir lieu au niveau des groupes et ce pour l’ensemble des thèmes de la NAO. Pour ce faire, il est nécessaire que les syndicats reconnus représentatifs dans chaque entité et établissement compris dans le périmètre de l'accord de groupe soient informés avant l'ouverture d'une négociation à ce niveau.
Par ailleurs, l’employeur est dispensé de lancer des NAO lorsque :
- d’une part, un accord sur la méthode conclu au sein du groupe prévoit que l’engagement à ce niveau d’une des négociations obligatoires (dont il précise les thèmes) exempte les entités appartenant au groupe de l'amorcer elles-mêmes ;
- d’autre part, lorsqu’un accord portant sur le même thème que la négociation obligatoire a été conclu au niveau du groupe et remplit les conditions prévues par la loi.
Ce périmètre à privilégier permettra d’harmoniser les pratiques des ressources humaines trop souvent hétérogènes, favorisant ainsi des sujets tels que les salaires effectifs, le compte épargne-temps (CET), la mobilité, et plus largement l’égalité de traitement. En outre, cette voie pourrait réduire l’influence d'organisations hostiles à tout dialogue social, ou transférer à ce niveau des négociations complexes à mener dans certaines structures de l'association gestionnaire. Pour des raisons d’ordre pratique, cela devrait aussi entraîner une diminution du nombre de réunions de négociation auxquelles participent les directions des ressources humaines ou des relations sociales au sein des différents périmètres.
[1] Code du travail, article L2242-20
[2] Lire Direction[s] n° 142, p. 30
[3] Lire Direction[s] n° 119, p. 30
Mehdi Gharbi, juriste, Picard Avocats, membre du réseau ACC3S
Publié dans le magazine Direction[s] N° 151 - mars 2017