Pierre-Marie Lasbleis (OETH)
Tous les employeurs sont désormais concernés. Peu importe la taille de l’entreprise, en 2021 il faudra renseigner le nombre de salariés handicapés, ce via la déclaration sociale nominative – DSN (au titre de 2020). Mais seules les organisations de 20 salariés et plus seront assujetties à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) de 6 %. En cas de non-respect, elles verseront une contribution, recouvrée par les Urssaf.
Nouveau calcul de la contribution
C’est sur ses modalités de calcul que porte l’essentiel des changements. Tous les contrats seront pris en compte au prorata du temps de travail sur l'année. Si une entreprise possède plusieurs établissements, l’obligation s’appliquera à la somme des effectifs de l’ensemble. Une nouveauté qui pourrait faire grimper la facture. « Cette mesure aura un impact important sur les associations ayant beaucoup d'établissements avec de petits effectifs, qui n'étaient pas concernées auparavant », estime Pierre-Marie Lasbleis, directeur général de l’association OETH gestionnaire de l'accord éponyme dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé non lucratif [1].
Des possibilités de déduction réduites
Autre changement : les minorations liées aux travailleurs handicapés les plus éloignés de l’emploi sont supprimées. On parle désormais de « valorisation » : ceux de plus de 50 ans compteront pour 1,5 dans le calcul des bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOETH).
La réforme opère aussi un recentrage des dépenses permettant de réduire la cotisation à hauteur maximale de 10 %, autour de trois catégories : la réalisation de diagnostics et de travaux favorisant l’accessibilité des locaux ; le maintien en emploi et la reconversion professionnelle ; les prestations d’accompagnement ou de formation des bénéficiaires pouvant être assurées par le secteur adapté et protégé. Attention, le recours à la sous-traitance dans ce champ ne sera plus considéré comme une modalité d’acquittement de la contribution mais pourra être déduit (lire l'encadré). Pour que la facture soit moins douloureuse, le montant de la contribution fera l'objet d'une modulation à titre transitoire jusqu’en 2024.
Enfin, les accords agréés par l’État pour remplir l'obligation signés avant 2020 restent applicables. De nouveaux, limités à trois ans et renouvelables une fois, pourront toujours être conclus sauf au niveau des établissements. « Notre organisation est donc amenée à évoluer, expose Pierre-Marie Lasbleis. Les partenaires sociaux qui mènent une politique commune depuis 1991 devront trouver un autre cadre pour le faire et s'interroger : comment sort-on des accords agréés? »
Décrets n° 2019-521, n° 2019-522 et n° 2019-523 du 27 mai 2019
[1] OETH réunit la Croix-Rouge française, la Fehap, Nexem, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, CGT et FO.
Laura Taillandier
Inquiétudes du secteur protégé
Cette réforme est loin de faire l’unanimité dans les établissements et services d’aide
par le travail (Esat). En cause ? La suppression de la possibilité pour les entreprises d’être exonérées jusqu’à la moitié de leur obligation en sous-traitant. Désormais, 30 % du montant de chacune de ces dépenses pourra être déduit de la contribution due. Dans la limite toutefois d’un plafond (de 50 % ou 75 % selon la part des bénéficiaires de l’OETH dans l’entreprise). D’après les calculs de l’Association nationale des directeurs et cadres d’Esat (Andicat), « l’intérêt des entreprises à passer des marchés avec ces structures est ainsi réduit de moitié ». C’est aussi la philosophie de la réforme que pointe l’organisation. « L’emploi direct ne veut rien dire. Ce qui est important, c’est l’accès au droit au travail, pas là où il s’exerce, défend Gérard Zribi, son délégué général. Ce sont les personnes handicapées les plus vulnérables qui sont dans les Esat qui vont être défavorisées. » Un point de vue partagé par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei).
Publié dans le magazine Direction[s] N° 177 - juillet 2019