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Droit du travail
Établissement distinct et CSE, rappels à l’ordre

01/09/2021

À l’approche du quatrième anniversaire des ordonnances « Macron » ayant institué le comité social et économique (CSE) et des prochaines élections professionnelles, la Cour de cassation affine le cadre de l’établissement distinct en l’absence d’accord avec les organisations syndicales ou le CSE.

Un accord n'ayant pas été trouvé avec les instances représentatives du personnel (IRP), une association avait fixé unilatéralement à sept le nombre de ses établissements distincts. Saisie par les syndicats représentatifs de la structure contestant cette décision de l'employeur, la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) – qui remplace la Direccte depuis le 1er avril – l'avait annulée considérant qu’un seul et unique CSE devait être mis en place. Le tribunal d’instance de Pantin, saisi quant à lui par l'association s'opposant à la résolution de l’administration, a annulé à son tour celle de la Dreets, confirmant la décision unilatérale au motif que la structure justifiait à son sens des critères caractérisant l’existence de sept établissements distincts. Faute d’avoir procédé à un examen approfondi de la réalité de l’autonomie de gestion caractérisant l’existence d’un établissement distinct, la décision du tribunal d’instance de Pantin a été annulée in fine en toutes ses dispositions par la Cour de cassation [1]. Un jugement dont elle profite pour asséner quelques rappels à l’ordre et prescrire une nouvelle condition à la reconnaissance d’un établissement distinct.

Les juges du fond rappelés à l’étendue de leur office

Le premier enseignement réside dans un avertissement à peine voilé à l’endroit des juges du fond, sommés d'apprécier pleinement les éléments de fait et de preuve invoqués au soutien de la contestation de la décision unilatérale. En effet, si elle avait déjà précisé qu’en cas d’annulation de la décision de la Dreets, le juge devait statuer à nouveau en fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date à laquelle il statue [2], la Cour de cassation invite ici les juges du fond à un examen approfondi des pièces, en s’appuyant sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise et ceux remis par les organisations syndicales à l’appui de leur contestation [3]. À ce titre, la Cour de cassation considère que les syndicats demandeurs, qui reprochaient au tribunal de n’avoir pas analysé – ne serait-ce que sommairement – l’ensemble des pièces versées aux débats, sont recevables à contester la décision unilatérale.

L’autonomie effective des directeurs d’établissements

Pour rappel, si le critère de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement ne s’impose pas aux parties à la négociation d’un accord fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts [4], il en est autrement s’agissant de la décision unilatérale de l’employeur [5]. Un établissement est « distinct » dès lors qu’il présente notamment, en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, « une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service »[6]. Pour autant, les juges du fond ne peuvent se contenter de relever les responsabilités confiées aux directeurs d’établissements, sans établir l’effectivité de leur autonomie de décision dans la gestion du personnel et l’exécution du service. Dès lors, la Cour de cassation estime que sont insuffisantes à emporter la qualité d’établissement distinct la seule production par l’employeur de deux exemples de délégation de pouvoir, ainsi que celle de la négociation d’une rupture conventionnelle, d’une demande d’homologation et d’une convocation à un entretien préalable. Elle accède ici au moyen exposé par les délégués syndicaux qui avançaient que les pouvoirs d’embauche, de sanction et de rupture du contrat n’étaient pas effectivement détenus par les directeurs d’établissements mais par le directeur général.

Quid du périmètre du CSE ?

L’arrêt retient enfin que le découpage de l’association en établissements distincts doit être de nature à « permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel ». Comprendre que, en tout état de cause, la décision unilatérale qui vient définir le périmètre des établissements distincts ne saurait avoir pour conséquence d’affecter – voire d'affaiblir – les prérogatives du CSE en matière d’information et de consultation des salariés.

La formule est reprise dans un arrêt du même jour [7], de sorte que l’on peut légitimement penser que les juges du fond sauront se montrer désormais plus regardants sur le fait que les directeurs d’établissements disposent d’une autonomie suffisante pour l'exercice régulier des compétences et attributions dévolues aux comités d’établissements.

[1] Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2021, arrêt n° 19-23.745

[2] Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-11.918

[3] Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-12.011

[4] TGI Paris, 18 juin 2019, n° 19-01485

[5] Code du travail, article L2313-4

[6] Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655

[7] Cass. soc., 9 juin 2021, n°19-23.153

Hugo Steverlynck, avocat, cabinet Picard avocats

Publié dans le magazine Direction[s] N° 200 - septembre 2021






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