Alors qu’arrive le temps du renouvellement des instances représentatives du personnel (IRP), de récentes jurisprudences sont à prendre en considération par les directions.
Un futur élargissement du périmètre des électeurs
L’article L2314-18 du Code du travail dispose que « sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques. » Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation juge ainsi de manière constante que doivent néanmoins être exclus du corps électoral les salariés qui :
- soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ;
- soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel.
Pour le secteur social et médico-social sont concernés en premier lieu les fonctions de direction qui sont systématiquement exclus du corps électoral. La donne va pourtant changer dans les prochains mois. En effet, sur question prioritaire de constitutionnalité posée par la Cour de cassation elle-même, le Conseil constitutionnel vient de rebattre les cartes. Ainsi, par une décision du 18 novembre 2021, les Sages considèrent qu’en « privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique [CSE], au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs ».
C’est donc purement et simplement une abrogation de l’article L2314‐18 du Code du travail qui est décidé, avec effet au… 31 octobre 2022 ! Situation paradoxale puisque d’ici au 31 octobre la jurisprudence de la Cour de cassation demeure applicable, puis à compter du 1er novembre les directeurs devront participer aux opérations électorales.
Des recours seront-ils engagés sur cette période ? L’avenir nous le dira. En effet, rappelons que l’article L2314-19 dispose notamment que « sont éligibles les électeurs … », la nouvelle rédaction de l’article L2314-8 est donc très attendue.
Précision concernant le vote électronique
Plébiscité par les directions pour le gain de temps qu’il procure, le vote par correspondance a connu un développement fulgurant ces dernières années. Par un arrêt en date du 1er juin 2022 [1], la Cour de cassation rappelle toutefois un élément fondamental de cette modalité d’organisation des élections professionnelles. Dans cette espèce, une société avait été alertée sur les difficultés de certains salariés ne disposant d’aucun bureau ni poste de travail dans les locaux de la société, à se connecter sur la plateforme de vote durant la période d’ouverture du vote. Pour des raisons de sécurité et de confidentialité, l’entreprise avait interdit toute utilisation des ordinateurs de la société par ces salariés ou d’un ordinateur personnel au sein de l’entreprise. Censure de la Cour de cassation qui considère que la société n’avait pas pris les mesures nécessaires pour avoir la garantie que l’ensemble de ses salariés pourraient avoir accès à un matériel permettant d’exercer leur droit de vote. La Cour souligne qu’elle ne justifiait pas non plus ce qui l’empêchait de mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d’accès de ses salariés au matériel de vote, comme par exemple l’installation dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité du scrutin.
Une telle situation est assez fréquente dans le secteur avec de nombreux profils de poste « nomades » ou ne nécessitant pas un ordinateur professionnel individuel. À l’occasion de la mise en œuvre du vote électronique, une attention toute particulière devra être consacrée à cette situation sous peine d’encourir un risque certain d’annulation des élections.
[1] Cass. soc. arrêt n° 20-22-860 du 1er juin 2022
Stéphane Picard, avocat et fondateur de Picard avocats
Délais de la contestation de l’organisation
En l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections et demander à ce titre l’annulation des élections.
Cass. soc. 18 mai 2022 n°21-11.737
Publié dans le magazine Direction[s] N° 210 - juillet 2022