Amélie Cormerais transmet sa connaissance des végétaux durant sa mission de monitrice d’atelier.
Amélie Cormerais, 25 ans, a toujours voulu transmettre son savoir. En novembre 2021, à l’issue de son BTS d’aménagement paysager, elle intègre l’Atelier, établissement et service d'aide par le travail (Esat) des Hauts-de-Seine géré par la Fondation des Amis de l’atelier. Elle accompagne six personnes porteuses de handicap, sans compétence médico-sociale initiale. « Au début, j’étais un peu perdue. Mais l’équipe m’a soutenue et appris à gérer ces publics, au travers de formations en interne. » Depuis lors mieux armée, elle aide les usagers à mieux connaître les végétaux, et, plus largement, à se professionnaliser.
Un savoir-être capital
En effet, la mission première des moniteurs d’atelier consiste à développer les compétences des travailleurs. Particulièrement alors que les pouvoirs publics entendent favoriser l’insertion en milieu ordinaire. Parallèlement, ces professionnels médico-sociaux doivent veiller à la réalisation des productions attendues par leurs clients. Dès lors, « idéalement, ils disposent de compétences techniques validées par un CAP ou un BEP mais ils sont bons également en matière d’accompagnement socio-professionnel, si possible détenteurs du titre de moniteur d’atelier », indique Delphine Becam, directrice de l’Esat Ladapt Mayenne. Mais elle comme ses confrères employeurs ne font pas de la détention de ce titre un critère de sélection. Leur quête porte bien davantage sur des savoir-être.
Une nécessaire agilité
Les moniteurs d’atelier eux-mêmes, autant que leurs encadrants, énoncent en effet une longue liste de qualités humaines. « La patience, l’écoute, la pédagogie », énumère Coralie Cormerais. Le « calme », ajoute Pascal Bigourie, 51 ans, moniteur principal sous-traitance dans le même Esat : « À nous d’encaisser si on rencontre un retard ou entend un client mécontent. On ne peut pas demander aux travailleurs de mettre un coup de collier et on doit leur épargner tout stress et toute pression. »
Tous le disent, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Ils doivent souvent revoir l’organisation initiale, pour tenir compte des difficultés des personnes. Ce qui, de l’avis commun, demande une grande souplesse. Tous disent aussi devoir témoigner de créativité, pour développer des outils pour permettre à ceux qui ne savent pas compter d’y parvenir, par exemple.
Un métier en mutation
Même si « le travail n’est pas une fin en soi mais un outil d’accompagnement », comme l’explique Pascal Bigourie, les moniteurs d’atelier, particulièrement dans certains métiers, doivent aussi disposer de compétences techniques. À l’image d’Angélique Brilhault, 40 ans, qui a validé un CAP de cuisine lorsqu’elle a choisi de devenir monitrice d’atelier à l’Esat Ladapt Mayenne, après déjà quinze ans de carrière dans le secteur médico-social dans d’autres missions (aide médico-psychologique, veilleuse de nuit…).
Elle observe une certaine évolution des publics, avec la présence de personnes particulièrement éloignées de l’emploi. Ses collègues notent aussi un nombre croissant de personnes porteuses de troubles psychiques. Et eux-mêmes et leurs employeurs pointent qu’on demande aux moniteurs de plus en plus d’écrits, la rédaction des projets professionnels des usagers, par exemple. Enfin, à l’image de William Jobard, 52 ans, moniteur principal aux Ateliers de la Lys, géré dans les Hauts-de-France par l’Afeji, certains veillent en particulier sur des personnes en intervenant hors-les-murs. Heureux d’avoir quitté le secteur industriel classique depuis bientôt dix ans, il aime avoir le sentiment d’être utile.
Sophie Massieu
Recruter autrement
« Nos moniteurs d’atelier ne sont pas des contre-maîtres mais des personnes qui vont professionnaliser les travailleurs, résume Audrey Courtin, directrice de deux Esat gérés par les Papillons blancs de Lille. Malgré tout, comme on attend d’eux qu’ils disposent de compétences techniques, nous nous retrouvons en concurrence avec des secteurs plus rémunérateurs. À nous d’insister sur nos conditions de travail, plus plaisantes, qui permettent notamment un bon équilibre vie privée/vie professionnelle. » Face à ce métier encore méconnu, elle utilise parfois l’appellation de « responsable espaces verts », pour déposer ses annonces auprès de Pôle emploi tandis que de son côté, Sylvain Delagneau, directeur de deux structures de la Fondation des Amis de l’atelier, n’hésite pas à recourir à l’emploi de seniors, qui peuvent apprécier un rythme de production moins soutenu.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 221 - juillet 2023