Le métier requiert de savoir « gérer la pression quand les organismes ne répondent pas », indique Coralie Dubois.
C’est rarement une vocation. Ne serait-ce que parce que le métier reste méconnu et assez peu fréquent. Au point que nombre de services de protection des majeurs ne comptent pas d’assistantes de mandataires judiciaires. Même lorsque ceux-ci assurent un nombre important de mesures, ces postes dédiés ne sont pas toujours financés, et les tâches incombent alors à des assistants administratifs.
Pourtant, ce métier exercé majoritairement par des femmes présente des spécificités. Souvent ces professionnelles y viennent en cours de carrière. Comme Coralie Dubois, 39 ans, lasse de travailler de nuit en restauration d’abord, puis comme aide-soignante en Ehpad et en maison d’accueil spécialisée, finalement arrivée à l’Apajh Gironde en juin 2023. Elle assiste aujourd’hui trois mandataires judiciaires, chacune responsables de cinquante mesures de protection, tutelles et curatelles. Quant à Sandrine Beugin, 51 ans, au service de protection des majeurs de Résilience Occitanie (Res-O), elle se dit heureuse de se trouver loin de sa formation en gestion d’entreprise et en école de commerce : « Je m’occupe des autres, ça me va bien. Je sais à quoi je sers et ce n’est pas à générer du chiffre d’affaires. »
Faire valoir les droits
Leur travail consiste avant tout à « la constitution de dossiers d’aide personnalisée à l’autonomie (APA), d’ouverture des droits à la retraite ou auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) au profit des personnes qui sont soit sous tutelle et donc représentées, soit sous curatelle, que nous devons seulement accompagner », résume Coralie Dubois.
Sans marcher sur les plates-bandes des mandataires judiciaires. « Les assistantes portent le volet administratif, les mandataires celui de la gestion économique, budgétaire, patrimoniale », précise Dominique Provenza, directeur du pôle social de l’Apajh Gironde, à la tête d’un service de 22 mandataires judiciaires et 8 assistantes, pour un total de 1 100 mesures. Jean-Loup Hebra, directeur de Res-O, autorisé pour 689 mesures, complète : « Les mandataires doivent établir le bon diagnostic, les assistantes aider les personnes à faire valoir ces droits ainsi reconnus. »
Les assistantes de mandataires judiciaires interrogées semblent bien vivre cette répartition des tâches. Marjorie Gallego-Fernandez, de Res-O, indique même réserver une part de son écoute aux mandataires « qui parfois ont besoin de souffler ». Quoique très administratif, ce métier requiert donc une bonne dose de psychologie. Aussi pour « gérer la pression quand certains organismes ne nous répondent pas… », souligne Coralie Dubois.
De secrétaires à collaboratrices
Aux côtés du goût pour les tâches administratives, les autres qualités attendues, de l’avis général, sont d’abord la patience et la rigueur. Ou encore l’esprit d’équipe, la communication, l’anticipation pour éviter tout risque de rupture des droits… Dominique Provenza cherche aussi dans ses recrutements la capacité à prioriser et la flexibilité. Ce, d’autant que les évolutions récentes nécessitent de la souplesse avec, indique Marjorie Gallego-Fernandez, davantage de personnes rencontrant des problèmes psychiques. Mais aussi parce que de plus en plus, revendiquent tant Jean-Loup Hebra que Dominique Provenza, ces professionnelles gagnent en autonomie et en responsabilité, pour devenir de véritables « collaboratrices » des mandataires. Au point, à l’Apajh Gironde, de les accompagner en visite des personnes, au moins pour l’ouverture des mesures.
Reste un manque de reconnaissance de cette profession, absente des conventions collectives nationales du 31 octobre 1951 et du 15 mars 1966. Elles sont donc rémunérées comme des assistantes administratives ou des techniciennes qualifiées. Un oubli que pourrait réparer la convention collective unique de branche ?
Sophie Massieu
Des formations… non obligatoires
Les cadres et assistantes interrogées s’accordent à dire que l’essentiel des connaissances s’acquiert dans le partage d’information entre professionnelles et avec les partenaires. La formation continue dépend donc assez largement de la volonté des services. Toutefois, certains instituts régionaux de formation en travail social, comme celui des Hauts-de-France, proposent des cursus d’assistant tutélaire, en quatre mois. D’autres organismes dispensent des cursus plus courts, de quelques jours. Tous dans l’idée de donner des éléments sur le cadre juridique mais aussi sur la posture et le moyen de communiquer avec les personnes protégées, parfois atteintes de troubles cognitifs ou psychiques.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 235 - novembre 2024