L’idée est d’accueillir des professionnels de la Pénitentiaire ou l’Éducation nationale pour questionner les pratiques.
Initialement créée pour recruter des militaires dans le cadre du partenariat justice/armée signé en 2021, la réserve de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s’est ouverte en novembre 2023 à tous les citoyens (lire l’encadré). Ils peuvent intervenir à trois niveaux. Premièrement, en renfort de l’action éducative dans le cadre de pratiques culturelles et sportives, de stages et de mesures de réparation, ou de l’accompagnement des familles d’accueil ; deuxièmement, pour des actions de formation et de mentorat de professionnels de la PJJ, notamment dans le cadre de prises de poste ; troisièmement, pour de l’ingénierie de projet, davantage au service des équipes de direction. La durée des interventions est de 150 jours maximum par année civile, le contrat étant renouvelable un an. Leur rémunération ? 120 euros par jour pour le premier niveau, 160 euros pour le deuxième et 200 euros pour le troisième.
Surtout des retraités
Jusqu’à présent, la plupart des candidats sont des retraités de la PJJ. C’est le cas de Dominique Maréchal qui a été pendant trente ans professeur technique de cuisine et chef d’un restaurant d’application. Quatre mois après son départ, il s’est positionné pour participer à l’organisation de l’édition 2024 des Parcours du goût, à Dijon. « Je n’avais pas prévu de retravailler, mais ce rôle est différent de mes anciennes missions, explique-t-il. Ce n’est plus de l’accompagnement de jeunes mais vraiment de l'organisation d’événement, avec la recherche de jurés, de partenaires, de mécènes… » Autre argument qui a convaincu le sexagénaire : l’engagement limité, à hauteur de quarante jours sur l’année 2024. Pour cette mission, Dominique Maréchal entre dans le « niveau 3 ».
Dans le cadre de ses fonctions, il collabore avec la directrice du service territorial éducatif de milieu ouvert et d'insertion de Dijon, Victoria Gstalter : « L’avantage, c’est qu’il connaissait déjà nos services, indique-t-elle. Pour nous, sa présence et son expertise sont précieuses. L’idée est aussi de pouvoir accueillir des professionnels qui viennent d’autres administrations, comme la Pénitentiaire ou l’Éducation nationale. C’est l’occasion de questionner nos pratiques et de nous enrichir de regards croisés. »
Mais Marc Hernandez, secrétaire national du syndicat SNPES-PJJ/FSU, y voit surtout un « coup de communication » : « Cela ne répond ni à nos besoins sur le terrain ni à nos enjeux d’attractivité. Pour l’administration, c’est un calcul : les heures de réserviste peuvent être réalisées en cumul d’activité. Il s’agit d’actions ponctuelles et de contrats courts, avec des périodes d’intervention qui n’ouvrent droit à aucun congé ni à la titularisation. S’agissant qui plus est de retraités, cela souligne le bas niveau de nos pensions… » Le syndicaliste regrette l’absence de préalable en termes de compétences et de diplômes. Car même si un réserviste ne peut pas être référent d’un jeune, il intervient aux côtés des équipes. « Les contractuels représentent déjà 24 % des effectifs de la PJJ, note-t-il. La réserve accentue encore l’idée qu’on peut faire ces métiers sans formation et que tout le monde peut s’improviser “Pascal le grand frère”. » Il redoute en outre le recours à des profils issus notamment de l’armée.
Des compétences adaptées aux missions
De son côté, Victoria Gstalter reconnaît que pour des profils qui viendraient de milieux très différents, un temps d’adaptation sera nécessaire : « Il faut que les missions et les compétences soient appropriées. C’est vraiment une réflexion à mener pour qu’il y ait un intérêt pour tout le monde. »
Mais pas question, d’après la directrice de la PJJ Caroline Nisan, de recourir à la réserve pour combler des postes vacants. Une idée partagée par Victoria Gstalter : « Il faut le voir comme un coaching, ou comme un soutien pour faire gagner du temps aux professionnels en poste. » Dominique Maréchal abonde dans son sens : « L’organisation du concours culinaire est un travail de titan. L’avantage, c’est que moi je peux m’y consacrer entièrement sur mes jours de présence. » Comme lui, ils sont actuellement trois réservistes sur la direction interrégionale Grand Centre, dont un ancien directeur chargé d’une mission de mentorat et le troisième placé au pôle immobilier. Au niveau national, on assure que des candidatures extérieures commencent à émerger, car l’idée est bien « de diversifier les profils ».
Margot Hemmerich
Pour être réserviste de la PJJ, il faut…
- Avoir la nationalité française et être âgé de 18 ans à 75 ans ;
- Ne pas avoir été condamné à l'interdiction d'exercer un emploi public ni à une peine criminelle ou correctionnelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
- Être exempt de sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec les missions exercées au sein de la réserve pour les agents en activité ou retraités.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 231 - juin 2024