En 2023, 83 % des contrats conclus en France étaient à durée déterminée (CDD) [1]. Le CDD est un outil précieux pour bon nombre d’acteurs du secteur social et médico-social, que ce soit pour la réalisation de projets ciblés, l’augmentation de l’activité ou le remplacement de salariés temporairement absents. Son recours ne doit toutefois pas devenir structurel et son régime juridique doit toujours être rigoureusement respecté sous peine d’exposer l’employeur à de lourdes sanctions.
1) Cas de recours ouverts
Parce qu’il n’offre qu’un emploi précaire pour les salariés, le législateur a restreint la possibilité de recourir au CDD. Par nature temporaire, et visant l’accomplissement d’une tâche précise, le CDD ne doit en aucun cas avoir pour objet, ou pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Le motif de la conclusion d’un CDD doit être inclus dans les cas limitativement envisagés par la loi. Le Code du travail admet ainsi le remplacement temporaire d’un salarié (ou de plusieurs par le biais du CDD multi-remplacement, en expérimentation jusqu’au 13 avril 2025 [2]), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, les emplois saisonniers,
dans certains secteurs dans lesquels il est d’usage et dans certains cas spécifiques (CDD tremplin notamment).
Toute raison hors de ces cas légaux est proscrite. En particulier, il est impossible d’user du CDD pour remplacer un salarié en grève ou pour effectuer des travaux particulièrement dangereux. Le motif de recours doit être réel au jour de la conclusion du contrat [3]. En cas de contestation, à l’employeur d’établir sa véracité [4].
2) Des mentions à indiquer dans le contrat
Le motif doit être précisé dans le contrat, nécessairement écrit. Le degré de précision attendu dépend du motif invoqué (en cas de remplacement : le nom et la qualification exacte du salarié remplacé doivent être indiqués [5]). La date du terme du CDD (ou la durée minimale en cas de terme imprécis) ainsi que la désignation du poste de travail doivent également figurer au contrat.
3) Renouvellement
Le nombre maximal de renouvellement peut être fixé par une convention ou un accord de branche étendu et, à défaut, sera de deux fois. La durée du CDD, renouvellement(s) inclus, ne peut excéder la durée maximale prévue par la convention ou l’accord de branche étendu ou, à défaut, par la loi (dix-huit mois par principe, réduite à neuf mois si le contrat est conclu dans l’attente de l’entrée en service d’un salarié en CDI).
4) Risques encourus
Le recours au CDD hors des cas légaux, l’absence ou l’imprécision des mentions prescrites, le dépassement du nombre maximal de renouvellement, de la durée maximale et l’absence de respect du délai de carence seront sanctionnés par la requalification en contrat à durée indéterminée (CDI) [6], ouvrant droit au salarié à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. En cas de requalification du CDD en CDI, la rupture, intervenue par le terme du CDD et non par une procédure de licenciement régulière comme le commande le CDI, devient sans cause réelle et sérieuse et offre également au salarié la possibilité de demander des indemnités liées à une rupture abusive des CDI.
5) Échéance et rupture anticipée
L’échéance initiale du CDD à terme précis peut être modifiée et ainsi prolongée. Le CDD cesse de plein droit à l’arrivée de son terme. La suspension du contrat, même pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ne fait pas obstacle à l’échéance du CDD [7]. Les parties peuvent, d’un commun accord, mettre fin au contrat avant l’arrivée de son terme. Cet accord doit être exprès [8]. Une rupture anticipée peut encore intervenir pour faute grave du salarié rendant son maintien dans l’emploi impossible ou en cas d’inaptitude du salarié et d’impossibilité ou de dispense de reclassement par le médecin du travail. Dans ces cas, si la rupture anticipée à l’initiative de l’employeur est jugée injustifiée par le conseil de prud’hommes, le salarié a droit à des dommages et intérêts au moins égaux aux rémunérations qu’il aurait perçues si le CDD était allé à son terme (de la durée prévisible en cas de CDD à terme imprécis [9]), ainsi qu’à l’indemnité de fin de contrat.
Enfin, le CDD peut être valablement rompu lorsque le salarié justifie de la conclusion d’un contrat à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, sauf accord contraire des parties, le salarié est alors tenu de respecter un préavis qui ne peut excéder deux semaines.
6) Succession de CDD
Un délai de carence doit être respecté en cas de succession de CDD sur un même poste de travail, que l’employeur envisage de recourir au même salarié que lors du dernier CDD ou à un autre. Si elle n’est pas fixée par accord de branche étendu, cette durée se décompte en jours d’ouverture de l’établissement concerné et est égale :
- au tiers de la durée du CDD venu à expiration lorsque sa durée (renouvellement inclus) était de quatorze jours ou plus ;
- à la moitié de la durée du CDD venu à expiration lorsque sa durée (renouvellement inclus) était inférieure à quatorze jours.
Le délai de carence ne s’applique toutefois pas dans les cas limitativement prévus par la loi : nouvelle absence du même salarié remplacé, rupture anticipée du fait du salarié notamment.
[1] Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares)
[2] Décret n° 2023-263 du 12 avril 2023 : les secteurs éligibles à cette expérimentation sont ceux définis par les conventions collectives nationales annexées au décret, parmi lesquelles la CCN du 31 octobre 1951, du 15 mars 1966, de la Croix-Rouge française, de l’aide à domicile, etc.
[3] Cass. soc. 11 avril 1991, n° 87-41.349
[4] Cass. soc. 24 janvier 2024, n° 22-11.589
[5] Cass. soc. 21 janvier 2021, n° 19-21.535
[6] Cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-16.695
[7] Attention ici en cas de clause de renouvellement dans le CDD : Cass. soc. 12 février 2002, n° 00-41.222
[8] Cass. soc. 21 mars 1996, n° 93-40.192
[9] Cass. soc. 13 décembre 2006, n° 05-41.232
Catherine Le Du, juriste, et Amélie Nadin, avocate, Picard avocats
Références
Code du travail, articles : L. 1226-19, L. 1242-1 à L. 1242-6, L. 1242-8-1, L. 1242-12, L. 1243-1, L. 1243-2, L. 1243-4, L. 1243-5, L. 1243-13, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1, L. 1244-4-1 et L. 1245-2
Une signature obligatoire
Que le CDD soit conclu pour une mission de quelques heures, d’une journée ou de plusieurs mois, attention à systématiquement veiller à avoir fait signer le contrat au salarié et à en avoir conservé un exemplaire. En effet, si la signature de l’une des parties manque, le CDD ne peut pas être considéré comme ayant été établi par écrit et il sera donc réputé conclu pour une durée indéterminée [1]. Seule l’intention frauduleuse ou la mauvaise foi du salarié qui aurait délibérément omis de signer son contrat permettra d’éviter la sanction [2], mais encore faut-il que l’employeur démontre cette intention, ce qui n’est jamais chose aisée. Autant s’en prémunir donc et s’assurer de bien disposer d’une version signée par le salarié.
[1] Cass. soc. 16 mars 2022, n° 20-22.676
[2] Cass. soc. 7 mars 2012, n° 10-12.091 ; Cass. soc. 22 mai 2024, n° 22.11.623
Publié dans le magazine Direction[s] N° 237 - janvier 2025