Ces mesures peuvent-elles éviter les dérives ?
Marc Clouvel. Non. En réalité, elles remettent en cause la philosophie qui a prévalu depuis 2017 pour les Ehpad lucratifs et les non lucratifs non habilités à l’aide sociale. Jusque-là, les pouvoirs publics considéraient que s’intéresser au détail de leur comptabilité était inutile une fois réglées les questions de moyens (après validation des groupes iso-ressources et Pathos moyens pondérés – GMP et PMP), de fonctionnement et d’objectifs (via la contractualisation) et de contrôle à travers l’évaluation. C’est terminé : à compter de l’exercice 2023, elles ne pourront plus transmettre un état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) simplifié, mais devront à nouveau envoyer les cadres complets, dont l’analyse risque pourtant de ne pas être très utile. En outre, ce retour en arrière généralisé est injustifié : certains travaillent bien dans le secteur commercial, et heureusement ! Voir l’État utiliser l’outil comptable pour résoudre un problème qui ne l’est pas est surprenant. C’est aux évaluations et contrôles de repérer les dysfonctionnements. Cette usine à gaz renforcera juste la bureaucratie.
D'autres évolutions notables ?
M. C. Toujours pour rendre visibles les éventuels bénéfices réalisés sur la section hébergement, les remises obtenues auprès d’un fournisseur devront être imputées aux budgets des structures concernées, non plus au siège. Autre mesure : l’obligation faite à chaque établissement d’un même gestionnaire commercial de détenir sa comptabilité analytique. Cela sera lourd pour les entreprises qui devront probablement revoir leur organisation comptable. Par ailleurs, le délai de prescription permettant aux autorités de rejeter les dépenses d’un ESSMS est étendu à cinq ans.
Des changements positifs ?
M. C. Oui. Le décret en profite pour renforcer partout l’information des publics. La liste des prestations minimales incluses dans le tarif hébergement des Ehpad a notamment été élargie (accès aux moyens de communication, prestations de blanchissage…). Des précisions sont aussi apportées sur les règles de facturation en Ehpad, ou encore sur les mentions obligatoires des contrats de séjour comme des documents individuels de prise en charge (DIPC) des services à domicile.
Décret n° 2022-734 du 28 avril 2022
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 209 - juin 2022