La réforme se fonde sur les conclusions d’une mission d’inspection qui met en doute l’efficacité des tribunaux interrégionaux TITSS et de la Cour nationale CNTSS. Partagez-vous leurs constats ?
Olivier Poinsot. En partie seulement. Le droit du contentieux comporte, c’est vrai, des spécificités. Par exemple, le juge ne peut veiller a posteriori à l’exécution de ses décisions. Le fonctionnement des greffes est compliqué, vu le faible volume d’affaires à traiter. Artisanales, ces juridictions spécialisées disposent, de plus, d’outils de gestion rudimentaires et ses membres sont souvent éparpillés géographiquement, compliquant le partage de documents et les déplacements. Mais tous ces défauts relèvent d’abord de la responsabilité de l’État qui justifie leur dissolution aujourd’hui après les avoir privées des moyens de travailler.
Dans quel but ?
O. P. Les pouvoirs publics pourraient vouloir supprimer ce contentieux. Ce qui est impossible car le droit au tarif relève des droits à caractère civil protégés par la Cour européenne des droits de l’homme. Donc, après avoir réduit les occasions pour les gestionnaires de remporter un contentieux en généralisant les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens obligatoires, l’idée semble, avec cette réforme à la sauvette, de dissoudre ces juridictions et de confier leur contentieux à un juge ignorant du domaine. D’allure technique, le sujet est en fait très politique : il revient à supprimer les dernières possibilités de financement aux besoins.
L’intervention des professionnels du secteur siégeant dans les TITSS serait aussi supprimée. Avec quelles conséquences ?
O. P. Les juges administratifs ne connaissent pas les activités du secteur. Or, comment décider de la pertinence d’un budget sans connaître les enjeux liés à la structure de ses coûts ou aux caractéristiques des publics ? L’expertise des juges échevins, que l’on cherche à écarter au motif que les dossiers, de plus en plus techniques, requerraient des techniciens du droit, est donc essentielle ! S’il fallait leur donner une formation juridique ad hoc, là encore, l’État pourrait y remédier.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 220 - juin 2023