Faut-il faire converger les droits des travailleurs handicapés en établissement et service d’aide par le travail (Esat) vers un statut de quasi-salarié ? Non, en l’état actuel des choses, répondent au Gouvernement les inspections générales des finances et des affaires sociales, dans un rapport daté de février 2024. La mission estime les bénéfices trop limités pour les travailleurs au regard de l’« impact choc » que la réforme de la rémunération aurait sur le budget des structures. Conjuguée à la création de la complémentaire santé collective, elle risquerait de plonger 55 % des Esat en déficit, contre 29 % actuellement. « Une position de bon sens. Il faut opérer avant une profonde révision des prestations sociales », juge Patrick Maincent, vice-président de l’union nationale Unapei. « Par exemple, nous apprenons à la lecture du rapport que les efforts de 13 % des structures pour verser une prime d’intéressement n’auront servi à rien. En effet, son exclusion de la base ressource de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne se fait visiblement que sur réclamation ! », illustre-t-il. Réponse de la mission ? Il faut simplifier l’AAH en milieu protégé, en développant en parallèle des politiques de rémunération plus dynamiques en faveur des éventuels « perdants ».
Doper la transformation
Selon les inspections, la priorité doit être donnée au déploiement du plan de transformation des Esat. « Le chemin, on le connaît. Nous devons baisser la barre de la sous-traitance, développer des prestations et distributions au plus près des territoires, réagit Patrick Maincent. Mais il nous manque les moyens pour le faire : nous n’avons pas l’ombre d’un fonds d’accompagnement Fatesat pour 2024. »
La mission juge également décisives les expérimentations ouvertes par la loi Plein emploi pour clarifier l’objectif d’insertion vers le milieu ordinaire des Esat. Et préconise une structure départementale « hors les murs » d’ici à 2030. Enfin, estime-t-elle, le pilotage des structures « devrait être renforcé » via plusieurs leviers : le déploiement de la nouvelle démarche d’évaluation, l’instauration d’un plan de contrôle dans le cadre de la Conférence nationale du handicap ainsi que l’accélération de la réforme tarifaire Serafin-PH. Un dernier point « sous la vigilance » de Patrick Maincent, qui conclut : « Voyons maintenant comment la ministre Fadila Khattabi se saisira de ce travail. »
Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 229 - avril 2024