Sous certaines conditions, les autorités de tarification ont la possibilité depuis juin 2018 de signer des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) prévoyant une réduction des dotations budgétaires des établissements et services médico-sociaux (ESMS) n’atteignant que partiellement leurs objectifs d’activité. Un dispositif très prisé des tutelles qui peut se révéler un véritable piège pour les organismes gestionnaires.
Qui est concerné ?
Selon les termes de l’article R314-43-2 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), il s’agit des établissements et services signataires d’un CPOM obligatoire du champ du handicap. Le CPOM peut ne concerner que des établissements de ce secteur d’activité ou le cas échéant englober, également, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dans ce cas, ces derniers demeurent en dehors du cadre de la modulation.
Ce dispositif ne fait pas partie des stipulations devant nécessairement figurer dans un CPOM. Il appartient donc aux parties d’en décider. Cependant, lorsque la signature d’un contrat est obligatoire (pour les établissements et services pour personnes handicapées sous compétence tarifaire exclusive ou conjointe du directeur général de l’agence régionale de santé – ARS), la marge de manœuvre des structures est nécessairement réduite… Et ce que veut la partie « forte » du contrat, à savoir l’autorité de tarification, a les plus grandes chances (ou présente les plus grand risques…) de figurer effectivement dans le CPOM !
Comment est mesurée l’activité ?
Sauf clause contraire, l'activité s'apprécie en fonction des catégories d'établissements et services au regard de la nature de leurs missions et de leurs modes de fonctionnement, par des indicateurs inscrits dans le contrat. À savoir :
- le taux d'occupation, calculé ainsi (sous la forme en maquette d’une formule) : nombre de journées réalisées dans l'année par la structure/nombre de journées théoriques correspondant à la capacité autorisée et financée X par le nombre de journées d'ouverture de l'établissement ou du service ;
- le nombre de personnes accompagnées au cours de l'année civile ;
- le nombre de prestations réalisées au cours de l'année civile.
Quels abattements possibles ?
Si l’activité de la structure est inférieure aux objectifs définis dans le contrat, l’autorité de tarification peut pratiquer un abattement sur la dotation globale ou le forfait global versé à l’établissement. Son montant est déterminé dans le CPOM. Toutefois, il ne peut être supérieur au pourcentage correspondant à la moitié de la différence entre l’objectif d’activité fixé dans le contrat et l’activité constatée. Concrètement, si un CPOM fixe un objectif d’activité de 100 à un établissement et que ce dernier n’a réalisé que 90 (soit une différence entre l’objectif et le réalisé de 10 %), l’abattement pratiqué ne pourra excéder 5 %, quelles que soient les stipulations du contrat.
Quelles garanties et précautions à prendre ?
L’article R314-43-2 du CASF prévoit quelques garde-fous. Ainsi, avant de pratiquer l’abattement, l’autorité de tarification doit en communiquer le projet à l’organisme gestionnaire. Par ailleurs, elle doit tenir compte des circonstances particulières pouvant expliquer la sous-activité constatée. Au-delà de ces garanties réglementaires, il est très vivement conseillé aux gestionnaires de ne s’engager que sur des objectifs d’activité raisonnables et réalistes, la tendance naturelle des autorités de tarification étant de faire preuve en la matière d’une ambition et d’un optimiste parfois très exagérés.
En effet, le mécanisme de modulation tarifaire couplé à des objectifs d’activité irréalistes peut potentiellement produire des effets particulièrement néfastes pout l’équilibre budgétaire des établissements et services. Il convient à ce propos de relever que rien ne fait obstacle à ce qu’un tel abattement soit pratiqué plusieurs années de suite en cas d’écart persistant entre les objectifs d’activité contractuels et le « réalisé » de la structure.
Laurent Cocquebert, avocat à la cour
Quid de la libre affectation des résultats ?
Le décret du 27 juin 2018 a également modifié les conditions d’affectation des résultats pour les Ehpad signataires d’un CPOM. Désormais, c'est l'organisme gestionnaire ou l'établissement public qui choisit leur affectation. Mais… nécessairement selon les modalités stipulées dans le CPOM, dont la signature est obligatoire. Le contenu du contrat pouvant faire l’objet d’une négociation assez symbolique avec l’autorité de tarification, et le refus de signature étant susceptible d’entraîner des sanctions financières, cette libre affectation des résultats par le gestionnaire peut donc apparaître souvent davantage comme un leurre que comme une réalité !
Aller plus loin
Décret n° 2018-519 du 27 juin 2018 et article R314-43-2 du Code de l’action sociale et des familles (CASF)
Publié dans le magazine Direction[s] N° 180 - novembre 2019