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Gestion et finances
CPOM et EPRD : des voies contentieuses restreintes

03/07/2019

Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) changent la donne en matière d'allocations budgétaires. Avec des possibilités de recours limitées.

Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) [1] sont des outils juridiques et financiers devant rénover les relations entre organismes gestionnaires et autorités de tarification dans le cadre d’un véritable dialogue de gestion. Mais techniquement, ils se révèlent des modes d’allocation budgétaire qui renforcent considérablement les prérogatives des seconds, les établissements et services étant réduits à prendre acte de la dotation notifiée. Quelles sont dès lors les possibilités de recours contentieux ?

1 Contester la notification des produits de la tarification, mission quasi impossible

Les voies de recours ouvertes pour contester la notification des produits de la tarification d’un établissement ou service soumis à CPOM obligatoire et à l’EPRD paraissent limitées. En effet, dans ce système de tarification dit « à la ressource », il n’est plus possible d’invoquer le caractère insuffisant des produits de la tarification alloués par l’autorité compétente, ni même une quelconque opposabilité de certaines dépenses. Bien au contraire, il appartient à l’organisme gestionnaire de transmettre à l’autorité de tarification un EPRD tenant compte des produits de la tarification notifiés par le tarificateur sans qu’ait eu lieu la moindre procédure contradictoire.

Autrement dit, il n’y a pas lieu de contester le montant des produits de la tarification notifiés, l’organisme gestionnaire n’ayant pas d’autre choix que d’adapter ses dépenses aux montants de recettes que le tarificateur lui octroie. Le contentieux, dans ce contexte, paraît particulièrement réduit et restreint. Cependant, l’autorité de tarification ne peut appliquer d’autres modalités de revalorisation des produits de la tarification que celles qui sont prévues par le Code de l’action sociale et des familles (CASF) [2]. Ces dispositions peuvent consister soit :

  • 1. en l'application directe à l'établissement ou au service du taux d'actualisation des dotations régionales limitatives (DRL) mentionnées ou d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité départementale ;
  • 2. en l'application d'une formule fixe d'actualisation ou de revalorisation ;
  • 3. en la conclusion d'avenants annuels d'actualisation ou de revalorisation ;
  • 4. en l'application d'une équation tarifaire, d'un tarif plafond ou d'un algorithme.

Les dispositions réglementaires du CASF prévalant sur toute stipulation conventionnelle, il paraît impossible au tarificateur de prévoir dans un CPOM d’autres modalités.

Bon nombre de CPOM proposés par les agences régionales de santé (ARS) aux organismes gestionnaires d’établissements et services pour personnes handicapées proposent (et le plus souvent imposent…) une revalorisation des dotations budgétaires fondée sur un taux d’évolution annuel fixé par l’ARS dans son rapport d’orientation budgétaire. Une telle stipulation est, à notre sens, illégale, en ce sens où elle méconnaît les dispositions de l’article R 314-40, 1° du CASF. Lequel ne prévoit que la possibilité de « répercuter » dans le CPOM le taux d’évolution de l’ensemble de la DRL, sans qu’il soit possible à l’autorité de tarification de ne retenir qu’une partie de ce taux d’évolution qui serait fixée dans le rapport d’orientations budgétaires.

En l’état actuel des choses, il apparaît donc très difficile de remettre en cause le montant des produits de la tarification en se fondant uniquement sur leur caractère insuffisant. En revanche, il sera probablement possible de le faire si le tarificateur s'appuie sur des stipulations du CPOM contraires aux dispositions réglementaires.

2 Contester les résultats des exercices antérieurs pour préserver ses fonds propres

Pour les établissements et services demeurant soumis à une procédure de tarification « traditionnelle », les déficits arrêtés par l’autorité de tarification sont financés en priorité par reprise sur le compte de réserve de compensation. Le surplus est rajouté aux charges de l’exercice auquel ce résultat est affecté [3].

Ce mécanisme de reprise de déficit a été supprimé pour les structures soumises à un CPOM obligatoire et à l’EPRD. Désormais, pour ces dernières, les déficits arrêtés par l’autorité de tarification sont :

  • couverts en priorité par le compte de report à nouveau excédentaire du compte de résultat ;
  • puis, le cas échéant, couvert par la reprise de la réserve de compensation de ce résultat ;
  • pour le surplus éventuel, affecté à un compte de report à nouveau déficitaire de ce compte de résultat.

Autrement dit, le financement des déficits d’exploitation n’incombe plus au financeur public par majoration des produits de tarification. Il est assuré :

  • soit grâce aux réserves constituées à partir d’excédents passés,
  • soit par report sur des exercices ultérieurs.

Ce qui revient peu ou prou à présumer d’excédents ultérieurs qui par définition sont incertains, dans leur principe comme dans leur montant. On conçoit que ce système soit viable s’il s’agit d’un déficit ponctuel et circonstanciel, susceptible d’être « effacé » par la réalisation ultérieure d’excédents. En revanche, s’il s’agit d’un déficit structurel, un tel mécanisme ne pourra que mettre très rapidement les établissements, et par là même les organismes gestionnaires, en grande difficulté, des déficits récurrents non repris ne pouvant que se traduire rapidement que par des difficultés de trésorerie.

Par ailleurs, dans ce nouveau système, les autorités de tarification conservent les mêmes prérogatives de réformation du résultat que dans la procédure budgétaire traditionnelle. En effet, elles peuvent « rejeter les dépenses qui sont manifestement étrangères, par leur nature ou par leur importance, à celles qui avaient été envisagées lors de la procédure de fixation du tarif, et qui ne sont pas justifiées par les nécessités de la gestion normale de l’établissement ou du service » [4].

On remarquera que le pouvoir réglementaire n’a ici fait preuve d’aucune innovation : ces motifs de rejet de dépenses à l’examen de l’état réalisé des recettes et des dépenses (ERRD) [5] sont exactement les mêmes que ceux qui existent à l’examen des comptes administratifs traditionnels.

L'autorité de tarification tient compte de ce rejet dans la fixation du tarif de l'exercice sur lequel il est constaté ou de l'exercice qui suit… Ce qui concrètement permet à l’autorité de déduire du montant de la dotation tarifaire N +1 ou N +2 les dépenses rejetées à l’examen de l’ERRD de l’année N.

On rappellera à toutes fins utiles que l’existence d’un résultat excédentaire n’interdit nullement à l’autorité de tarification de réformer ce dernier, le cas échéant en rejetant certaines dépenses.

Dans ce nouveau système tarifaire, la contestation des résultats arrêtés par l’autorité de tarification continue donc de présenter un enjeu d’une importance particulière pour les organismes gestionnaires, puisque des dépenses rejetées à l’examen de l’ERRD seront défalquées du montant de la notification budgétaire ultérieure… accroissant d’autant les difficultés de l’établissement ou du service.

[1] Lire Direction[s] n° 149, p. 32 (EPRD) et n° 159, p. 40 (CPOM)

[2] Code de l’action sociale et des familles (CASF), article R314-40

[3] CASF, article R314-51

[4] CASF, article R314-236

[5] Lire Direction[s] n° 172, p. 34

Laurent Cocquebert, avocat à la Cour

Quand contester un ERRD ?

Selon l’article R314-236 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), l’autorité de tarification tient compte des rejets de dépenses auxquels elle a procédé à l’examen de l’état réalisé des recettes et des dépenses (ERRD) « dans la fixation du tarif de l’exercice sur lequel il est constaté ou de l’exercice qui suit ». Il en résulte que cet examen, et la production du rapport par lequel l’autorité de tarification indique à l’organisme gestionnaire quelles dépenses elle envisage de rejeter, ne constituent qu’un acte préparatoire insusceptible de recours. En effet, le résultat administratif d’un exercice et son affectation ne sont juridiquement décidés qu’au moment de la fixation du budget auquel ce résultat est affecté. À titre d’exemple, c’est donc au moment de la notification des recettes de l’exercice 2018 ou de celui 2019 que pourraient être, le cas échéant, contestés les résultats arrêtés par l’autorité de tarification et leur affectation. Cette solution, établie s’agissant des comptes administratifs « traditionnels » [1], vaut à l’évidence pour les ERRD, puisque dans les deux cas la réformation du résultat, ainsi que son affectation, ne sont qu’un acte préparatoire permettant de fixer le tarif d’un exercice ultérieur.

[1] Voir notamment CNTSS 26 juin 2009, n° A.2004.061 et CNTSS 10 avril 2009, n° A.98-027

Publié dans le magazine Direction[s] N° 177 - juillet 2019






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