Les entreprises d’au moins onze salariés doivent avoir mis en place le comité social et économique (CSE) depuis le 1er janvier 2020. Outre des précisions apportées par les juges, le ministère a actualisé son « questions-réponses » le 16 janvier dernier. Sélection des apports les plus significatifs.
1 Absence de CSE
Procès-verbal de carence en cours au 1er janvier 2020
Le ministère précise que si un procès-verbal de carence aux élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise a été établi avant le 22 septembre 2017, il continue à produire ses effets pour la durée des mandats de l’élection à laquelle il se rapporte. Dès lors, la structure n’a pas à organiser de nouvelles élections avant cette échéance même si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2020. Néanmoins, si une organisation syndicale ou un salarié de la structure concernée le demande, l’employeur devra engager le processus électoral dans le mois qui suit cette demande.
Carence de candidats aux élections
L’administration confirme que dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, si aucun d'eux ne s’est porté candidat aux élections dans les 30 jours suivant la diffusion de l’information par l’employeur de l’organisation prochaine des élections, ce dernier est dispensé d’inviter les syndicats à négocier le protocole d’accord préélectoral. Il établit alors un procès-verbal de carence et le processus électoral s’achève.
Absence irrégulière de CSE
En dehors de ces cas ou de prorogation des mandats à la suite de la saisine de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ou du tribunal d’instance, le ministère rappelle que la seule absence d'installation d’un CSE au 31 décembre 2019 peut caractériser une entrave à sa mise en place, infraction pénale punie d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 7 500 euros. Néanmoins, l’administration semble vouloir faire preuve de tolérance en indiquant que, dès les premières semaines de 2020, ses services déconcentrés se rapprocheront des employeurs qui ne l’auraient pas fait pour que soit engagé au plus vite le processus électoral. Et si ces demandes n’étaient pas suivies d’effet, alors l’employeur s’exposerait à un constat d’infraction par l’inspecteur du travail [1].
Attention toutefois. Indépendamment du délit d’entrave, l’employeur s’expose à ce que tout salarié puisse demander l’allocation de dommages-intérêts devant le conseil de prud’hommes. Très récemment, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à l'installation d’institutions représentatives du personnel (IRP), sans qu’un procès verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés ainsi privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts [2].
Par ailleurs, l’absence de CSE a nécessairement des conséquences sur la vie de la structure, en particulier pour les informations et consultations obligatoires qui ne pourront pas être menées. Par exemple, il ne sera pas possible de dénoncer un usage, un engagement unilatéral ou un accord collectif dès lors que, pour être opposable aux salariés, cette procédure doit avoir fait l’objet d’une information préalable aux IRP.
2 Représentants de proximité et syndical
Représentants de proximité
En principe, la mise en place des représentants de proximité peut être intégrée à l’accord collectif d’entreprise fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts. Une interrogation restait à éclaircir : en l’absence de clause en ce sens ou d’accord collectif, l’employeur peut-il les instituer unilatéralement ? Le ministère semble répondre par la négative en précisant que dans le cas où les établissements distincts ont été établis par décision unilatérale de l’employeur, seul un accord collectif majoritaire en cours de cycle pourra s'y atteler. Les associations auront ainsi l’opportunité d’évaluer l’efficacité de l’architecture de la représentation du personnel retenue et, au besoin, de mettre en place ultérieurement des représentants de proximité pour corriger certaines carences.
Représentant syndical au CSE
La Cour de cassation rappelle qu’il est interdit de cumuler un mandat de membre élu, titulaire ou suppléant, du CSE et de représentant syndical au comité, un accord collectif ne pouvant déroger à cette règle. En tel cas, l’intéressé devra choisir entre ses mandats. À défaut, celui de représentant syndical est caduc [3].
3 Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)
Composition
Selon le ministère, le représentant syndical au CSE ne peut être désigné au sein de la CSSCT « dans la mesure où il n’est pas membre à part entière du CSE, disposant d’une voix consultative et non pas délibérative ». Cet argument est discutable puisque les élus suppléants ne disposent pas non plus d’une voix délibérative. En revanche, la loi vise les représentants du personnel, ce que n’est effectivement pas le représentant syndical.
Rappelons que la composition comme les modalités de désignation des membres de la CSSCT sont d’ordre public. Sur ce dernier point, la Cour de cassation a récemment précisé que sa mise en place soit obligatoire ou conventionnelle, ces démarches résultent nécessairement d’un vote du CSE à la majorité des présents [4].
Attributions
Légalement, la CSSCT se voit confier, « par délégation » du CSE, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l’exception du recours à un expert et des attributions consultatives. Aussi, revient-il à l’accord d’entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts de fixer notamment les missions confiées à la CSSCT. Une question restait toutefois en suspens : puisque la CSSCT n’est qu’une composante du CSE, ce dernier peut-il lui déléguer des tâches qui n’auraient pas été prévues par l’accord collectif ? Il semblerait que non selon le ministère qui indique que « c'est bien l'accord d'entreprise […] qui définit les attributions SSCT du CSE qui seront déléguées à la commission » [5]. Au vu de la variété des clauses contenues dans les accords collectifs qui, parfois, se contentent de rappeler les termes de l’article L2315-38 du Code du travail sans détailler ces attributions, la jurisprudence ne devrait pas manquer d’occasions pour se prononcer à ce sujet.
Fonctionnement
En principe, il revient également aux partenaires sociaux de définir les modalités de fonctionnement de la commission, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les membres. Selon la Direction générale du yravail (DGT), il est obligatoire de leur accorder un tel crédit d’heures spécifique afin qu’ils soient en mesure d’exercer leurs fonctions [6].
Par ailleurs, la DGT indique que les modalités non précisées par accord collectif pourraient être déterminées par accord entre l'employeur et le CSE ou par le règlement intérieur du comité [7]. Rappelons toutefois que ce dernier ne peut comporter pour l’employeur, sans son accord, d’obligations qui ne résulteraient pas de dispositions légales. Le cas échéant, cet accord constitue un engagement unilatéral que l’employeur peut dénoncer à l'issue d'un délai raisonnable et après en avoir informé les membres de la délégation du personnel du CSE.
Formation
Tous les membres de la délégation du personnel au CSE doivent bénéficier de la formation nécessaire à l'exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Toutefois, la loi dispose que cette formation « des membres » de la CSSCT est d’une durée de trois ou cinq jours selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés. L'administration en déduit que cette durée minimale est réservée aux seuls membres de la commission, tout en encourageant une durée équivalente pour les autres membres du CSE. Toutefois, une autre interprétation pourrait être retenue par un juge dès lors qu’est visé l’article L2315-18 du Code du travail, qui concerne la formation SSCT dispensée à l’ensemble des membres du CSE. La prudence appelle donc à allouer le même temps de formation à tous les élus, qu’ils soient ou non membres de la CSSCT.
[1] « CSE : Quelles conséquences en cas d’absence de mise en place ? », à consulter sur https://travail-emploi.gouv.fr
[2] Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-20.591
[3] Cass. soc., 22 janv. 2020, n° 19-13.269
[4] Cass. soc., 27 nov. 2019, n° 19-14.224
[5] Foire aux questions diffusée par la DGT aux avocats, Q. n° 31
[6] F.A.Q. diffusée aux avocats, Q. n° 32
[7] F.A.Q. diffusée aux avocats, Q. n° 30
Cécile Noël, juriste, Picard avocats
Quelle valeur juridique de ces mesures ?
Toute personne peut se prévaloir, à l’égard de l’administration, des documents qui comportent une interprétation du droit positif – même erronée ! –, émanant des administrations de l'État et publiés sur des sites Internet désignés par décret [1]. Le « questions-réponses » sur le CSE, publié sur le site du ministère du Travail, est donc opposable à l’administration, par exemple lors d’un contrôle de l’inspection du travail. Au contraire, la « foire aux questions » diffusée par le ministère à l’attention des avocats n’est pas publiée et donc inopposable à l’administration. Qu’ils soient publiés ou non, ces documents n’ont toutefois pas de valeur juridique dans le cadre d’un contentieux judiciaire : un juge pourrait donc retenir une toute autre interprétation de la loi !
[1] Code des relations entre le public et l'administration, articles L312-2, L312-3 et D312-11
Références juridiques
« Comité social et économique : 117 questions-réponses », à consulter sur https://travail-emploi.gouv.fr
Code du travail, articles L2314-8, L2314-5, al. 5, L2317-1, L2313-7, L2315-38, L2315-41, 2°, L2315-41, 3°, L2315-24, L2315-18, L2315-40
Publié dans le magazine Direction[s] N° 184 - mars 2020