Alors que la nouvelle réforme des collectivités territoriales suscite la fronde des élus locaux, la Cour des comptes a jeté un pavé dans la mare. Son rapport sur "la conduite par l'Etat de la décentralisation" (1) de 1982 à 2006 est un véritable réquisitoire. "Enchevêtrement des compétences", "absence d'organisation", "concurrence sur un même territoire", "opacité des mécanismes de financement" : les magistrats de la rue Cambon listent de nombreuses lacunes. En matière d'action sociale, "la reconnaissance du rôle prééminent des départements, qui représentaient, en 2007, 90 % de la dépense dans ce domaine, laissait entrevoir la consécration d'un large bloc de compétences. Celui-ci n'a pas été achevé, si l'on considère le rôle encore dévolu aux centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les conditions de suivi des jeunes en difficulté ou la prise en charge par le seul Etat des personnes sans domicile fixe".
La péréquation, restée secondaire
Aux dysfonctionnements de la gouvernance, s'ajoutent les problèmes budgétaires. La Cour dénonce le financement "non assuré" de la décentralisation sociale. "Les mécanismes de compensation financière du transfert aux départements des dispositifs sociaux qui leur ont été successivement confiés - allocation personalisée pour l'autonomie (APA), revenu minimum d'insertion (RMI), prestation de compensation du handicap (PCH) - apparaissent hétérogènes et insatisfaisants" (2). Par ailleurs, le principe constitutionnel de péréquation, destiné à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales, est "resté secondaire faute de consensus politique". Conséquence : s'agissant des politiques sociales décentralisées, "ce sont souvent les départements les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes", a déploré Philippe Seguin, le président de la Cour des comptes.
(1) A consulter sur www.ccomptes.fr
(2) Lire dans ce numéro p. 22
Nadia Graradji