« Revoir notre modèle social qui, s’il la corrige un peu, ne permet pas suffisamment d’éradiquer la pauvreté. » C’est en ces termes que le chef de l’État a enfin dévoilé le 13 septembre la Stratégie de lutte contre la pauvreté : 21 mesures, mises en œuvre d’ici à 2022 grâce à une enveloppe de 8,5 milliards d’euros… « Dont une part significative correspond en réalité à un simple redéploiement de budget », note l’association ATD Quart Monde. Un engagement important, salue de son côté le Collectif Alerte, mais « qui reste insuffisant pour corriger les effets néfastes de certaines politiques antérieures ».
Sans surprise, l’accent est d’abord mis sur la prévention au bénéfice des enfants, et de leurs droits fondamentaux. Des maraudes spécialisées dans la protection de l’enfance seront notamment mobilisées pour « aller vers » les familles à la rue et l’offre de logement et d’hébergement adaptée. Autre public ciblé ? Les jeunes, pour lesquels l’obligation de formation sera étendue jusqu’à 18 ans. La Garantie jeunes sera par ailleurs étendue au bénéfice de 500000 d’entre eux. Enfin, un engagement contractualisé avec les départements visera à empêcher les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
L’État reprend la main
Décidé à « inventer le modèle social du XXIe siècle », Emmanuel Macron a également dessiné les contours d’un futur service public de l’insertion « porteur d’une ambition inédite d’accompagnement de tous les allocataires des minima sociaux ». « L’État sera responsable, fixera l’ambition, sera garant de l’universalité et donc de la clarté du financement », a-t-il promis. Première brique ? La création de la Garantie d’activité, combinant accompagnements social renforcé et insertion pour 300000 bénéficiaires du RSA par an. « C’est un changement important, reconnaît François Soulage, président du collectif Alerte. Mais attention à ce que ce retour au "tout emploi" n’élude la question des ressources financières : pour être acteurs de leurs parcours, les gens ont aussi besoin d’argent pour vivre. »
L’IAE à la rescousse
Pour les plus éloignés du marché du travail, l’insertion par l’activité économique (IAE) sera mise à contribution, via un investissement exceptionnel pour l’accueil de 100000 salariés supplémentaires. « Les structures auront besoin de moyens pour cela, prévient Luis Semedo, délégué général de Chantier école. Reste à voir si les 450 millions d’euros promis seront au rendez-vous et selon quelle programmation… » Dernier engagement pris : lun chantier de fusion des minima sociaux en vue d’un « revenu universel d’activité ». « C’est la clé pour faire reculer le non-recours, veut croire François Soulage. Sous réserve toutefois de ne pas définir des critères orientés à la baisse et de ne pas le faire à budget constant. » Premiers éléments de réponse au sein des concertations prévues l’an prochain, avant un projet de loi dit d’émancipation sociale en 2020.
Gladys Lepasteur
La Stratégie pauvreté, c’est aussi d’ici à 2022 :
- un référentiel sur l’hébergement des familles avec enfants ;
- la prévention renforcée des expulsions, dans le cadre du plan Logement d’abord ;
- des appels à projets et des financements complémentaires pour la prévention spécialisée notamment, afin de remobiliser les jeunes en risque d’exclusion ;
- 1200 places supplémentaires en appartements de coordination thérapeutique (ACT) et 1450 places de lits d'accueil médicalisés (LAM) et d’halte soins santé (LHSS) ;
- l’essaimage d’expérimentations comme Territoires zéro chômeur de longue durée, Travail alternatif payé à la journée (Tapaj)…
- des solutions d’accompagnement vers l’emploi de tous les jeunes.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 168 - octobre 2018