Au cœur du programme d'Emmanuel Macron, la réforme du code du travail est plus que jamais en marche. Elle fait à présent l'objet des cinq ordonnances du 22 septembre 2017, prises en application de la loi d'habilitation parue moins de 10 jours plus tôt (et qui laisse 6 mois au Gouvernement pour agir...).
L'édifice juridique n'est toutefois pas encore au complet. Outre la future loi de ratification de ces ordonnances, il manque une série de décrets nécessaires pour mettre en œuvre certaines réformes, une "vingtaine" étant d'ailleurs attendue d'ici la fin de cette année selon les déclarations de la ministre du travail. Pour ne pas perdre le fil, nous récapitulons ci-dessous les grandes lignes des trois ordonnances réformant le cadre des relations collectives du travail. Les deux autres ordonnances, modifiant notamment les règles du licenciement, seront présentées ultérieurement.
Négociation collective
Dans l'ordre du Journal officiel, la première ordonnance (n° 2017-1385) vise à renforcer la négociation collective. Pour ce faire, notamment :
- l'articulation entre conventions de branche et accords d'entreprise est modifiée, les seconds étant promus dans le cadre d'une nouvelle architecture à 3 niveaux (compétence exclusive de la branche sur 13 domaines dont les salaires minima et les classifications ; compétence que la branche peut se réserver dans 4 domaines dont la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels ; pour tous les autres sujets, primauté des accords d'entreprise sur ceux de branche) (article 1er) ;
- l'articulation entre le contrat de travail et les accords d'entreprise portant sur la durée du travail, la rémunération ou la mobilité est également réformée, des règles spécifiques étant prévues en cas de licenciement du salarié refusant de se voir appliquer un tel accord (article 3) ;
- le régime juridique des accords et conventions collectives est sécurisé à travers, par exemple, la modulation des effets dans le temps des décisions des juges en cas d'annulation de dispositions conventionnelles mais aussi l'encadrement des actions en nullité de ces textes (2 mois à compter de la notification de l'accord d'entreprise aux organisations syndicales qui disposent d'une section dans l'entreprise) (article 4) ;
- de nouvelles règles organisent les négociations obligatoires, l'axe majeur étant, selon le rapport au Président de la République, d'ouvrir "largement le champ de la négociation et [de donner] la possibilité à la branche et l'entreprise de définir, par un accord global d'une durée maximale de quatre ans, le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation" (articles 6 et 7) ;
- des modalités spécifiques de négociation sont aménagées en faveur des entreprises dépourvues de délégué syndical ou de conseil d'entreprise, les règles étant variables en fonction de l'effectif (- de 11 salariés, entre 11 et 50 salariés ou 50 salariés et plus) (article 8).
Renforcement du dialogue social
La seconde ordonnance publiée le 23 septembre (n° 2017-1386) porte "nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise" et vise à favoriser "l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales".
Sa mesure phare consiste en la fusion des délégués du personnel (DP), du comité d'entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en une seule instance appelée comité social et économique (CSE)(article 1er). La date d'entrée en vigueur du CSE, prévue au plus tard au 1er janvier 2018 par l'ordonnance, dépend de la date d'expiration des mandats des représentants du personnel. Par exemple, si les mandats en cours arrivent à échéance entre le 23 septembre 2017 et le 31 décembre 2017, ils sont prorogés jusqu’à cette date ; leur durée peut être également prorogée au plus d’un an, soit par accord collectif, soit par décision de l’employeur après consultation des instances représentatives du personnel.
Autres nouveautés :
- le droit au maintien de la rémunération et des contributions et cotisations afférentes à la rémunération des salariés en congés de formation économique, sociale et syndicale par l'employeur (article 6) ;
- la possibilité de recourir aux outils numériques pour favoriser l’accès de chacun au droit d’expression collective (article 7).
Extension et élargissement
La quatrième ordonnance (n° 2017-1388) se caractérise principalement par l'extension des pouvoirs du ministère du Travail en matière d'extension des accords collectifs (article 1er). Il pourra en effet refuser une telle extension pour des "motifs d'intérêt général", étant visée, à titre d'exemple, une "atteinte excessive à la libre concurrence".
Seuls les conventions et accords conclus à compter du 1er janvier 2018 seront soumis à ce nouveau cadre juridique (article 5).
Sources : ordonnances du 22 septembre 2017 (n° 2017-1385, n° 2017-1386 et n° 2017-1388), JO du 23 sept.
Sybilline Chassat-Philippe