Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile
« Les associations seront-elles considérées comme un simple sous-traitant de l’acteur public ? », s’alarme Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile, à la lecture du projet de loi sur l’asile, dévoilé en Conseil des ministres le 23 juillet dernier. « Ce texte organise la reprise en main de l’accueil par l’État, au détriment du secteur associatif », renchérit Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars).
Un guichet unique régional
Mesure phare de la réforme envisagée par le gouvernement, qui entend « restaurer le droit d’asile, devenu inefficace et inégalitaire » ? Un système directif d’orientation des demandeurs d'asile, via un guichet unique régional, vers le parc d’hébergement. « Ce dispositif, en conférant à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) le pouvoir d’admission et de sortie des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), réduira fortement les prérogatives des gestionnaires », fustige Florent Gueguen. D'autant que le bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile sera subordonné à l’acceptation de l’affectation géographique. « Ce qui aurait pour effet de gonfler la demande d’hébergement », relève encore le directeur général de la Fnars.
Parmi les motifs de soulagement toutefois ? « En dépit de la volonté initiale du gouvernement d'intégrer les Cada au seul Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), ils sont maintenus dans celui de l’action sociale et des familles (CASF) », note Florent Gueguen. En outre, des créations de places sont annoncées « notamment par transformation de places d'urgence et de nuitées hotelières ». Soit la promesse d'une pérennisation de crédits. La Fnars appele ainsi à un plan de création de 20 000 places d'ici à 2017. Autre disposition concernant les Cada ? Une dérogation leur permettant de procéder à une seule évaluation interne, et une externe, dans un délai qui devra être fixé par décret.
De nouvelles garanties
Parallèlement, le projet de loi vise le « renforcement des droits des demandeurs d'asile », notamment la baisse des délais d’instruction des demandes. Objectif ? Neuf mois pour une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et cinq mois pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). « Les demandeurs auront des garanties supplémentaires, comme le recours suspensif quelle que soit la procédure, la fin de l’exigence de domiciliation préalable pour l’admission au séjour, la présence d’un tiers à l’entretien avec l’officier de protection », énumère Pierre Henry. Qui tempère : « Pour autant le véritable juge de paix de l’ambition réformatrice de l’asile sera la prochaine loi de finances. » Dans l’attente, s’annonce un examen parlementaire mené au pas de charge, puisque la transposition en droit français du nouveau régime d’asile européen, prévue par le texte, doit intervenir au 1er juillet 2015.
Justine Canonne
Publié dans le magazine Direction[s] N° 123 - septembre 2014