Les ministres Michel Sapin et Christian Eckert se rendant à la présentation du PLF pour 2016, le 30 septembre dernier.
Présenté fin septembre à Bercy, le projet de loi de finances (PLF) pour 2016, entre les mains des députés cet automne, augure de contorsions budgétaires difficilement tenables pour les professionnels. Et ce, sans compensation pour le privé non lucratif en matière de charges sociales et fiscales, s’insurgeaient mi-octobre des organisations du secteur [1].
L’hébergement et l’asile sous-dotés
Dans le champ de l’hébergement, 1,369 milliard d’euros seront affectés au programme 177 [2]. Toujours insuffisant, souligne Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars) : « La logique de sous-basage demeure. S’il reste à confirmer, l’écart entre les crédits effectivement consommés en 2015 et ceux prévus pour 2016 sera de l’ordre de 100 millions d’euros. »
Un budget également en berne dans le secteur de l’asile, avec 551 millions d’euros dévolus au programme 303 [3]. « Une sous-budgétisation quasiment structurelle », pointe d’ailleurs la Cour des comptes, dans un référé sur l’accueil et l’hébergement des demandeurs [4]. « En l’état, l'enveloppe ne prend pas en compte les dispositions du plan Migrants ni celles pour l’accueil de 30000 réfugiés d’ici à 2017, indique Florent Gueguen. Même si ces mesures pourraient être introduites par le gouvernement dans la discussion parlementaire. »
Concernant les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), l’objectif affiché est de dépasser 33000 places avant la fin 2016, notamment par la conversion de capacités d’hébergement d’urgence Huda. « Si nous soutenons ces transformations en places en Cada, pour autant, le parc total destiné [à ces publics] augmentera peu. Or, l’exécution des crédits 2014 montre que 22800 d'entre eux ne sont hébergés ni en Cada ni en Huda », déplore le directeur général de la Fnars. Qui remarque aussi la baisse du financement de l’allocation spécifique ADA : « Le PLF prévoit 137 millions d’euros, contre 169 millions consommés en 2014. Une diminution risquée, puisque l’impact de la réduction des délais d’instruction des demandes, conformément à la réforme de l’asile, ne sera pas immédiat. »
Tour de vis pour le SAH
Au sein du budget alloué à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le sort du secteur associatif habilité (SAH) n’est pas plus enviable. Son enveloppe (223,9 millions d’euros), en légère réduction par rapport en 2015, ne cesse de s’étioler, relève Audrey Pallez, responsable Justice des mineurs à la convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape) : « Depuis 2008, elle est en baisse de 83 millions d’euros. En outre, alors que le SAH constituait un tiers du budget de la PJJ en 2010, il n’en représentera plus que 28 % en 2016. Or, l’activité des associations ne diminue pas. »
Dans le champ du handicap, l’heure n’est pas non plus à l’optimisme pour les entreprises adaptées (EA). « S’il prévoit 500 aides au poste supplémentaires [4], le budget 2016 ne comporte toutefois pas de revalorisation de la subvention spécifique », regrette ainsi Sébastien Citerne, directeur général de l’union nationale Unea.
Fronde au CNFPT
Par ailleurs, le gouvernement avait inscrit dans le PLF une baisse de 1 % à 0,8 % du taux de cotisation des collectivités au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Face à la levée de boucliers engendrée par cette annonce, la ministre Marylise Lebranchu a revu sa copie mi-octobre, proposant un entre-deux à 0,9%. Une mesure toujours inacceptable, car susceptible de « déséquilibrer durablement le budget du CNFPT », a aussitôt dénoncé son président François Deluga.
[1] Dont la fédération d’employeurs Fehap, la Cnape et la Fnars.
[2] Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables
[3] Immigration et asile
[4] « L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile», référé de la Cour des comptes, 20 octobre 2015
[5] Découlant initialement du Pacte pour l’emploi des personnes en situation de handicap de décembre 2011.
Justine Canonne
Publié dans le magazine Direction[s] N° 136 - novembre 2015