« Cette loi accélère les procédures d’entrée dans l’asile. Nous nous en félicitons, à condition que les droits des demandeurs soient garantis », assène Marion Lignac, chargée de mission Réfugiés et migrants à la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). Voici résumé le résultat d’une réforme portée depuis plus d’un an par le gouvernement [1]. Promulgué au cœur de l’été, le texte semble respecter les ambitions des pouvoirs publics, dont l’obligation d’enregistrement des demandes fixée à trois jours, ou encore la réduction des délais d’instruction des dossiers à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) [2], en vue de désengorger un système « à bout de souffle ».
Des guichets d'accueil uniques
Néanmoins, son application complète, prévue au 1er novembre, laisse les associations sceptiques. Disposition phare de la réforme, l’hébergement directif suppose l’instauration de guichets uniques d’accueil, qui seront déployés sur le territoire d’ici à la fin de l’année [3], et gérés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), en charge de l’évaluation et de l’orientation des demandeurs. « Le risque est que l’office n’évalue que les vulnérabilités visibles, et non psychologiques, ce qui ne garantit pas un accueil adapté », avertit Marion Lignac. Les conditions matérielles d’accueil, dont le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), sont soumises à l’acceptation de l’orientation formulée par l’Ofii. Et en cas de refus – ou d’abandon du lieu proposé –, le demandeur ne pourra accéder aux centres d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale (CHRS). « Cette disposition ouvre une brèche dans le principe d’accueil inconditionnel. En outre, elle semble difficilement applicable par le 115 et les services intégrés d’accueil et d’orientation [SIAO]», pointe Marion Lignac.
Statut d'exception pour les Cada ?
Conséquence directe de l’instauration de ce système pour les gestionnaires de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ? Les décisions d’admission sont prises par l’Ofii « après consultation du directeur du lieu d’hébergement ». Les dérogations aux obligations des établissements sociaux sont confirmées pour ces structures. Par ailleurs, exonérés de la procédure d’appel à projets pour les créations, extensions et transformations, les Cada seront soumis à une seule évaluation interne pendant la durée d’autorisation, dans un délai fixé par décret.
La loi conforte également les centres provisoires d’hébergement (CPH) pour réfugiés en difficulté, en ajoutant une section relative à leurs missions dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF). Après l’annonce d’un plan d’urgence en juin par les ministres Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel, 500 nouvelles places doivent être créées dans ces structures d’ici à 2016 [4].
Autre mesure du plan ? Jusqu’à 4000 places supplémentaires d’hébergement pour les demandeurs d’asile [5]. « Si l’on ne peut que se satisfaire que soit prise en compte l’urgence de la situation, nous regrettons qu’il s’agisse de places de type Accueil temporaire-service de l’asile [AT-SA] », relève Marion Lignac. Qui insiste : « Le système instauré par la réforme ne peut fonctionner qu'avec des créations significatives de places en Cada. »
Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015
[1] Notamment en vue de respecter le délai de transposition du régime d’asile européen, fixé à juillet 2015.
[2] Environ neuf mois pour l’examen complet en procédure normale.
[3] Instruction du ministère de l’Intérieur du 13 juillet 2015
[4] Note d’information du 24 juillet 2015
[5] Circulaire interministérielle du 22 juillet 2015
Justine Canonne
Publié dans le magazine Direction[s] N° 134 - septembre 2015